Le cliché a la peau dure, selon lequel tous les Chinois de Maurice seraient riches. Il ne reflète, évidemment, qu’une part de la réalité, mais il s’accorde bien avec un principe très fortement ancré dans cette communauté: la première réussite est celle de l’argent.
Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que les personnalités les plus en vue de la communauté sino-mauricienne soient, d’abord, de brillants hommes d’affaires. A la tête du groupe qui vend le plus d’automobiles à Maurice, Dean Ah Chuen est souvent cité en exemple. D’abord, parce que son activité ne faisait pas partie de celles vers lesquelles les sino-mauriciens s’orientaient traditionnellement. Ensuite, parce que son groupe s’engage régulièrement dans de nouvelles voies, innovant sans cesse. Les supermarchés sont, souvent, de ces anciennes boutiques qui tenaient à jour le fameux «livre rouge» dans lequel étaient inscrits les achats à crédit que les Mauriciens les moins fortunés réglaient chaque fin de mois… et qui ont permis à des générations entières de manger à peu près à leur faim. Super U, où touristes et Mauriciens se côtoient en remplissant des caddies aux contenus de plus en plus semblables, fait partie de cette lignée de «boutik sinwa» ayant connu une évolution spectaculaire.
Paul Foo-Kune, qui a connu une actualité mouvementée, il y a quelques mois, a toutefois réussi un tour de force. En 2016, il reprenait un groupe de huit magasins de marques de prêt à porter, proche de la faillite. A peine deux ans plus tard, avec l’aide de ses deux fils, il a porté le nombre de magasins à vingt-deux et considérablement augmenté le nombre des marques représentées… Le voilà même ouvrant une franchise en Australie et au Portugal!
Le monde des arts et de la culture n’est plus dédaigné
Les grandes écoles de marketing, de gestion et d’entreprenariat sont encore en tête de liste des choix d’études des jeunes sino-mauriciens, mais le monde des arts et de la culture n’est plus regardé tout à fait avec le même dédain. Les affaires florissantes des Book Courts et de la grande librairie de Rose-Hill, Le Cygne, sont ainsi citées en exemple. Alors, certes, c’est encore du commerce… mais il suffit de discuter cinq minutes avec Mimi Cheng, au Cygne, pour savoir que les livres sont, avant tout, sa passion. Alexandre, de son vrai nom Hu Zihao, le directeur du Centre Culturel Chinois de Bell Village peut témoigner de l’engagement culturel des sino-mauriciens. «J’ai l’habitude de dire que le centre culturel est un arbre. Les spectacles, les expositions, les cours que nous produisons en sont les fruits et les sino-mauriciens en sont les racines! Ils s’engagent pour la préservation de leur culture. Cette culture fait d’ailleurs partie intégrante de la culture mauricienne. Songez que Maurice est le seul pays hors d’Asie où la Fête du Printemps est un jour férié!»
En littérature, et même si beaucoup de Mauriciens l’ignorent, un sino-mauricien a réalisé une véritable révolution dans la tradition Hakka! Joseph Tsang Man King, ancien diplomate et ministre de la Culture, est aussi un poète reconnu. L’une de ses œuvres, le Grand Chant Hakka, traduit en anglais et en Hakka, est une œuvre épique reprenant les récits de la tradition Hakka. Mais la forme en est totalement novatrice: «Les poèmes chinois sont très courts. L’épopée n’existe pas dans la tradition Hakka», explique-t-il. «J’ai adapté la métrique française dans la version française et la métrique anglaise dans la version anglaise et c’est d’ailleurs cette rythmique anglaise qui a été reprise dans la traduction Hakka». Grâce à lui, et pour la première fois, cette langue se dotait d’un poème épique! L’événement n’est pas passé inaperçu et a été commenté par de nombreux universitaires, à travers le monde.
Maurice dans la Route de la Soie
C’est un projet diversement apprécié. Pour les uns, il s’agirait d’une œuvre louable visant à développer les échanges entre les peuples. Pour les autres, ce n’est que la tentative, par la Chine, de sécuriser ses voies d’approvisionnement et de commerce… Toujours est-il que Pékin s’emploie, depuis quelques années à développer certains axes routiers et ferroviaires et à intensifier certains axes maritimes allant de la Chine à l’Europe. Un des corridors concernés par ce projet est une route maritime qui va jusqu’au Kenya et pourrait, à terme, être prolongée jusqu’au Cap et au-delà. L’île de La Réunion et Mayotte, seuls territoires européens de l’océan Indien, ont entamé des pourparlers avec la Chine pour être intégrées dans ce schéma. A Maurice, le président de la Chinese Business Chamber, Tony Ah Yu en a fait son cheval de bataille et compte bien parvenir à ce que Maurice devance les îles françaises…