Vaco Baissac était habité par un idéal mauricien que nous oublions trop souvent quand nous nous noyons dans nos différences et nos étiquettes. En tant qu’artiste, il s’est incarné dans cette idée d’une créolité mauricienne à la force du poignet, déployant l’imagerie enthousiaste de notre arc-en-ciel.
Vaco peignait beaucoup. En passeur fervent, il défendait sa peinture et la représentation généreuse qu’elle offrait du pays. À la manière d’un sage, il prêchait la créolité mauricienne. Il vénérait la langue créole et ne cessait de célébrer la beauté de son île, ce pays natal qu’il a retrouvé pleinement, après vingt ans vécus en Afrique-du-Sud.
S’il était marqué par ses années sur le continent, où il avait fondé famille, eu ses enfants et pratiqué plusieurs métiers avant de créer et diriger des restaurants, il ne se sentait pas réellement en phase avec ce pays meurtri par l’apartheid. Il est rentré en 1990 à l’île Maurice, tout en gardant une fascination pour les peuples et cultures sud-africaines, doublée d’un respect illimité pour leurs femmes.
Même s’il a toujours peint, une fois revenu à Maurice, Vaco allait déployer son art comme jamais, durant trois décennies. Il aimait parler. Cette volubilité lui a valu son surnom dès l’enfance. Il a longtemps signé ses tableaux « Jean-Jacques Baissac », jusqu’à ce qu’Hervé Masson lui suggère d’utiliser « so non gate »… Vaco : ces deux syllabes simples et directes ponctuent ses créations comme elles illustrent son aptitude à aller à l’essentiel de la forme, du trait et de la couleur. Son dessin stylisé célèbre dans la joie les silhouettes d’une nature généreuse et des humains qui y vivent.
Peintre national
Il racontait Maurice dans ses paysages, ses petites gens, ses scènes de rue et métiers, la beauté de ses femmes, comme une corne d’abondance où la pétulance des couleurs s’équilibre dans une composition solidement charpentée. Le pape François, à l’instar d’autres visiteurs de marque, a reçu un de ses tableaux comme cadeau officiel de la nation mauricienne au Vatican. Des fresques à la façon de Vaco ornent le pays.
Sa peinture a même ajouté de l’esthétique et de la joie aux camions des éboueurs. Des peintres mauriciens, il est celui qui a le plus créé de produits dérivés : bijoux, céramiques, bronzes, etc. Ses aplats de couleurs et ses formes simplifiées se prêtent au vitrail. L’église des Saints Anges Gardiens de Grand Baie en offre un magnifique témoignage. Mais il est parti avec son plus beau rêve de peindre un avion d’Air Mauritius…
En 2022, outre une conférence TED’x, Vaco a exprimé au Mahatma Gandhi Institute le regret que Maurice ne soit pas instinctivement associée à un style visuel, comme l’Italie l’est à Michel-Ange ou l’Espagne à Picasso… En fait, sa peinture ne s’est-elle pas d’elle-même imposée comme une partie intégrante de notre patrimoine national ?