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Île Maurice
mercredi, décembre 25, 2024

Entre indépendance et déchéances

Ce 12 mars 1968, sur la plaine du Champ de Mars, cent mille citoyens de la Couronne assistent à la passation de pouvoir et deviennent Mauriciens. Le dernier gouverneur britannique, Lord John Shaw Rennie, accolé au nouveau Premier ministre de l’île, Sir Seewoosagur Ramgoolam, admire le drapeau quadricolore s’élever dans les airs. Et pourtant. Au loin, l’île de Diego Garcia ressent encore les effluves du post-colonialisme. 

La légende voudrait que la colonisation britannique depuis 1810 ait connu une fin sur tapis vert. D’aucuns évoquent une indépendance troquée, un échange de bonne volonté. Ainsi, soucieux de se séparer de ses colonies, l’Angleterre aurait accepté l’indépendance de l’île Maurice tout en conservant la mainmise sur l’archipel des Chagos acquis en 1814. Stratégiquement placé, cet amas d’îles aux portes de l’Afrique et du Moyen-Orient ne pouvait être mieux placé pour des desseins militaires. En conséquence, les États-Unis, attentifs à jouer les gendarmes du monde, se pressent d’emprunter une desdites îles afin d’y établir une base militaire. Grâce à un accord anglo-américain, la cible est toute trouvée, ce sera Diego Garcia.

Sous le soleil des tropiques, l’une des plus grandes pistes d’atterrissage au monde y est construite. Les coraux laissent place à une ville américaine et aux soldats du pays de l’Oncle Sam. «I want You» semblait énoncer la célèbre affiche à destination de cette île paradisiaque. Les bombardier B-52 y déposent leur énorme volume et vont alors jusqu’en Irak larguer la justice, disséminer la bonne parole façon puzzle! Si pratique!

Vers Maurice et les Seychelles

Toutefois, le subterfuge n’est pas là. De nombreuses bases américaines dans le monde s’établissent avec le consentement total des pays hôtes. Ici, le point de dissension réside dans un mensonge tout britannique jusque devant l’assemblée de l’ONU! En 1971, les Anglais – forts de leur accord – forcent les habitants de l’archipel à fuir leurs logis les condamnant à se diriger vers l’île Maurice et les Seychelles. Les administrateurs de la Couronne invoquent le fait que les résidents ne sont en aucun cas des Chagossiens mais des citoyens mauriciens et seychellois établis sur l’archipel. Ainsi la déportation devient légitime. Un mensonge si aisé devant des instances mondiales bien loin des pointillés de terre de l’océan Indien.

Cependant, les Chagossiens ne sont en aucun cas des immigrés de pays limitrophes mais bel et bien des natifs de l’archipel. Et une fois chassés pour un pays inconnu, ils sont alors condamnés à errer dans les faubourgs de Port-Louis tels des fantômes ignorés.

Indemnisation suivie de naturalisation

Dans son ouvrage, l’ancien ministre Jean-Claude de L’Estrac expose ses convictions. Pour éviter toute manifestation, un arrangement aux contours des plus flous est entrepris. Les Anglais débloquent des fonds au profit de l’État mauricien afin de dédommager les victimes de ce déplacement forcé. Quelques millions de livres qui ne seront jamais versés aux réfugiés livrés à eux-mêmes. L’auteur poursuit et avance que les Anglais, conscients du manque d’impact, essaieront de nouveau d’indemniser les victimes et naturaliseront mille Chagossiens pour tenter de rendre un semblant de justice.

Laissés pour compte par l’État, ils survivent dans un décor mauricien étranger. Auparavant, seule la culture du coprah assurait la principale activité économique de Diego Garcia. Ces cultivateurs après avoir fait sécher la chair de la noix de coco au soleil, usaient d’ingéniosité pour produire l’huile de coco. Une activité irréalisable à Maurice tout autant que leur intégration dans ce pays, qui a très longtemps considéré l’archipel des Chagos comme une colonie de la colonie.

David contre Goliath

Encore aujourd’hui le combat perdure et brille par son déséquilibre. Une Angleterre épaulée par les États-Unis contre le petit état insulaire. Une reconstitution d’un David contre Goliath en somme. Bien que dans la version biblique, David acheva le géant depuis sa fronde et la propre épée de son ennemi, la version moderne risque de paraître moins sanglante. L’avenir démontrera si les négociations seront suivies d’effets ou si, une nouvelle fois, quelques millions suffiront à transformer un David en Judas…   

Si 1968 connait des mouvements sociaux à travers le monde, depuis le Printemps de Prague à Mai 68, l’île Maurice fait elle aussi preuve d’autorité. Elle ne sera plus l’ancienne colonie mais bel et bien un état indépendant. La France peut alors se demander quel sera l’avenir d’une autre bande de terre. Réclamée par Maurice, l’Île Tromelin (cent hectares) devient également le lieu d’intenses débats, nouveau théâtre de la reconnaissance d’une Nation.

Vous voulez en savoir plus ?

L’an prochain à Diego Garcia, l’ouvrage du Mauricien Jean-Claude de l’Estrac éclaire les circonstances troubles du destin de ces îles qui déchaînent les passions et engendrent depuis peu un débat au sein de la communauté internationale. Aux éditions Le Printemps

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