Le Dr Antonin Blaison a mis en place depuis octobre 2023 un dispositif de veille acoustique des requins gris des récifs de Maurice. Genèse de cette première étude financée par l’Europe Interreg V OI et par la région Réunion, alors qu’il s’apprête à en présenter les premiers résultats fin janvier à Maurice. Dominique Bellier
La peur s’explique souvent par la méconnaissance et, dans le cas des requins, elle s’est couplée à une filmographie et une littérature sensationnalistes qui ont favorisé préjugés et comportements humains inappropriés. Le Dr Antonin Blaison pourrait en témoigner, lui qui a dédié sa vie à les étudier en Afrique-du-Sud, à La Réunion et à Maurice, alors que le film Jaws (Les dents de la mer) lui a causé les pires cauchemars de son enfance…
Aujourd’hui, il nage à côté de ces fascinants prédateurs, qui tendent pourtant à se raréfier malgré l’interdiction de les pêcher. Fin août, il présentait à Odysseo le projet de recherche MAETAG, qui visait à observer le comportement et le mode de vie des requins gris des récifs, espèce la plus répandue à Maurice, néanmoins considérée en danger par l’IUCN. Ce projet est porté par l’Observatoire Marin et le Centre de Sécurité Requin de La Réunion, en collaboration avec l’université de Maurice, la Marine Megafauna Conservation Organisation et Odysseo. « Un lieu comme la fosse aux requins, nous explique-t-il, est pratiquement unique au monde. J’aimerais par cette étude, contribuer à ce que les gens apprennent à vivre en bonne intelligence avec eux. Le meilleur moyen pour cela est de mieux les connaître… »
En décembre, il analysait les dernières données enregistrées par dix récepteurs acoustiques disposés depuis octobre aux alentours de l’île aux serpents et de l’île Ronde, près de la fosse. Il en présentera l’analyse, première étude du genre à Maurice, ce mois-ci, dans une conférence publique. L’opération la plus délicate a consisté à placer un marqueur acoustique sur chaque requin, à l’aide d’une flèche modifiée pour ne pas le blesser. Pour viser une partie peu innervée juste en dessous de la première dorsale, il faut s’en approcher à 50 cm ! Il a pu le faire début octobre, accompagné d’un assistant qui gérait sa sécurité, pendant qu’il se concentrait sur son tir.
« Tout s’est très bien passé, se réjouit-il. Ils ont bien réagi au marquage. » Quatre femelles et un mâle matures sont ainsi devenus sujets d’étude, dont une femelle pleine. Les récepteurs détectent les passages dans un rayon moyen de 400 m.
« Les éléments collectés — qui est passé ? quand et à quelle heure ? à quelle profondeur ?… — permettent de connaître leurs activités dans la zone d’écoute. Leurs mouvements diront par exemple s’ils sont en chasse ou au repos. À terme, nous pourrons dresser un zonage de leurs habitudes en fonction des saisons et des moments du jour et de la nuit. »