Les non citoyens mauriciens ne sont, désormais, plus restreints à acquérir une unité résidentielle développée sous les régimes IRS, RES ou PDS. Le gouvernement va plus loin dans sa politique d’ouverture du marché de l’immobilier aux étrangers. Néanmoins, cette décision fait débat dans le domaine de l’immobilier.
Avec cette nouvelle mesure, le gouvernement souhaite « booster » notre économie et le secteur de la construction. En effet, les autorités voient dans celle-ci un moyen idéal de vendre les appartements qui restent invendus en local et attirer plus de compétence étrangère sur l’île, en leur offrant plus de choix pour l’acquisition d’un bien immobilier. Pour Ken Ponoosamy, Managing Director du BoI, avec les amendements au Non Citizens (Property Restriction) Act, « le pays se donne désormais les moyens de jouer dans la même catégorie que Singapour et Dubaï pour attirer les étrangers souhaitant acheter un appartement ». (Lire son interview ici). A court terme, on peut s’attendre à ce que le BoI vende 300 appartements aux étrangers éligibles. Par la suite, le gouvernement espère la commercialisation de 100 unités par an, assurant ainsi un revenu financier constant dans ce secteur.
Le pays se donne désormais les moyens de jouer dans la même catégorie que Singapour et Dubaï pour attirer les étrangers souhaitant acheter un appartement – Ken Ponoosamy, Managing Director du BoI
Néanmoins, plusieurs professionnels de l’immobilier ont manifesté des craintes par rapport à ce nouvel amendement à la loi. La principale crainte est celle de voir une flambée des prix dans le secteur, plus précisément sur le segment des appartements. Selon eux, cela risque de conduire, entre autres, vers une incapacité pour les Mauriciens d’acquérir ces biens et des agents immobiliers qui vendraient le même logement à deux prix différents. Au niveau des promoteurs immobiliers, l’ont craint que cela entraîne une baisse dans le nombre de résidences de luxe vendus aux étrangers, ces derniers ayant maintenant le choix de se diriger vers des biens plus accessibles.
Vinesh Chintaram, architecte-urbaniste, se soucie des retombées négatives pour les locaux. « Nous en avons déjà fait l’expérience avec les IRS et RES. Cela a donné lieu à la spéculation foncière et de nombreux planteurs ont décidé de ne plus cultiver leurs terres agricoles et de les vendre aux plus offrants. En raison de la forte concentration des étrangers dans certaines régions, cette flambée de prix se ressent également dans les commerces particulièrement sur les côtes. Ce sont les Mauriciens qui en souffrent, car ils n’ont pas le même pouvoir d’achat. Donc, il est essentiel d’avoir un régulateur pour veiller à ce qu’il n’y ait pas un déséquilibre. C’est un gros travail que les autorités doivent réaliser afin d’évaluer les impacts de telles mesures. »
Je dirais que l’ouverture de ce marché est une bonne chose, mais pas sans réserves. J’ai travaillé 12 ans à l’étranger. J’aurai aimé pouvoir acheter un appartement au lieu de le louer. En rentrant au pays, j’aurais revendu ce bien. Néanmoins, si l’on y voit uniquement une opportunité d’investissement , car on en a les moyens, je trouve que c’est tout simplement de l’exploitation. – Vinesh Chintaram, Architecte-urbaniste.
En réponse, le Premier ministre, Sir Aneerood Jugnauth, a indiqué à l’Assemblée nationale, qu’une étude a montré qu’il y a actuellement un surplus d’appartements et d’espaces de bureaux invendus sur le marché. « Le principal objectif de cette loi est de compenser ce surplus, dans un premier temps, en visant 99% des détenteurs d’un permis de travail et de résidence – vivant et travaillant à Maurice – ne possédant aucun bien résidentiel ou commercial à Maurice. » Il a également a déclaré qu’un « mécanisme bien coordonné pour le contrôle étroit et le suivi des achats de biens par des non citoyens en possession d’Occupational et Resident Permits », a déjà été mis en place par son Bureau et le BoI. Ainsi, il a rassuré l’Assemblée quant au contrôle strict effectué pour l’allocation de permis de résidence et à la vente de biens immobiliers aux étrangers. Il a également ajouté que « la préoccupation des agences immobilières n’est pas justifiée ». Tout en indiquant que des mesures seront prises pour garantir la compétitivité sur le marché et l’accessibilité aux biens immobiliers aux Mauriciens, il a précisé que cette loi ne permet pas l’achat d’un terrain par un étranger.
Selon Karen Angus du groupe Evaco, un étranger ne va pas acquérir un appartement à n’importe quel prix et ne se laissera pas berner. Donc les prix s’aligneront sur ceux du marché. « Les biens IRS, RES et PDS ne sont pas en concurrence avec ces logements vendus sur le local. C’est une offre complémentaire. Nous avons d’ailleurs aussi de nombreux Mauriciens qui achètent des biens RES. »
Certains constructeurs ou promoteurs pourraient éventuellement augmenter leur prix de vente sur les appartements au détriment des Mauriciens. Mais cela ne sera qu’éphémère. – Karen Angus – Directrice commerciale et marketing du groupe Evaco.
Quid des critères de qualité et de localisation? Karen Angus explique que même si un étranger a la possibilité d’acquérir un appartement sur le marché local, cela ne modifie pas ses critères de recherche, notamment d’avoir un bien de qualité à un prix en adéquation avec les prestations fournies et une localisation proche des facilités de la vie quotidienne.
Il faut que les investisseurs soient bien informés des critères et des conditions d’acquisition, mais aussi de revente, de location etc. Mettre de nouvelles directives en place est une bonne initiative, mais il faut aussi que cela soit bien encadré. Ces acheteurs étrangers sont légitimement exigeants quelque soit le montant de leur investissement. Il faut donc s’assurer que l’offre proposée sur ce marché réponde aux critères et aux standards internationaux.
Selon elle, le défi pour la vente des biens immobiliers se situe plus au niveau international.
Même si de nombreux étrangers désirent acheter de l’immobilier à l’île Maurice, il faut leur démontrer les avantages de notre pays par rapport à d’autres destinations également prisées. Nous sommes en concurrence directe avec des pays tels que le Portugal ou l’Espagne, etc. Ces destinations proposent très souvent des avantages équivalents à Maurice.