Sis à Port-Louis, au Caudan Waterfront, le Blue Penny Museum est l’un des plus beaux bijoux de la scène culturelle mauricienne. Il rend hommage à l’héritage de Maurice, à travers une présentation de son art et de son histoire. Le musée abrite des oeuvres d’arts uniques, dont la statue originale de Paul et Virginie, sculptée en 1881 par Prosper d’Epinay, ainsi que les fameux timbres Post Office – « One Penny » rouge et « Two Pence » bleu – joyaux de notre patrimoine. Visite guidée.
J’ai de la chance ! J’avais déjà visité ce musée d’art et d’histoire entièrement consacrée à l’île Maurice, en tant qu’étudiant, il y a de cela une dizaine d’années. Néanmoins, je n’avais jamais imaginé que j’y reviendrai accompagné d’Emmanuel Richon ! Je n’aurai pas trouvé de meilleur guide que ce dernier. Ce Français, restaurateur de tableaux, vit à Maurice depuis plus de 20 ans. Passionné par notre île, il est le conservateur du Blue Penny Museum depuis 2007 et respire sa culture et son patrimoine au quotidien. Les présentations faites nous plongeons tout de suite dans l’histoire de notre pays.
Les yeux de la découverte
Dans cette salle, le visiteur se plonge dans le monde des grands navigateurs. Nous en apprenons davantage sur l’origine de la cartographie et des navigateurs.
Bien que les Arabes, les Indiens, les Malais et les Chinois aient sillonné l’océan Indien longtemps avant les Portugais, ils n’ont laissé aucune carte attestant l’existence des îles Mascareignes : Maurice, Réunion et Rodrigues. Les toutes premières cartes, où ces îles figurent, sont d’origine portugaise.
« Sur ces cartes, nous voyons quatre îles des Mascareignes, alors qu’il n’y en n’a que trois. Nous constatons également la présence d’îles qui n’existent pas et, surtout, une déformation de Madagascar. Pendant longtemps, ils la perçoivent tournée vers l’Est . Ce n’est que bien plus tard qu’ils ne découvrent que Madagascar monte droit, vers le Nord. Les cartographes reportaient les erreurs des uns et des autres. Ce n’est qu’en 1850 que nous aurons une carte exacte, quand tout a été découvert dans l’océan Indien », explique Emmanuel Richon.
Le musée rend également hommage à Lislet Geoffroy, qui nous a laissé une magnifique carte de Maurice et de La Réunion. Cette carte est d’autant plus importante, car ce dernier a vécu dansles deux îles. En effet, il est né sur l’île Bourbon (Réunion) et a vécu ses derniers jours sur l’Isle de France (Maurice). Ainsi, il a connu les deux colonisations successives de Maurice : française et anglaise.
Les bâtisseurs de l’île
Nous poursuivons vers la deuxième salle du musée. Celle-ci retrace les grandes lignes de l’histoire coloniale de l’île. Autour de différentes estampes, cartes et objets anciens, le visiteur peut survoler les trois grandes périodes d’occupation, plus particulièrement les étapes charnières de prise de possession de l’île, de l’arrivée des premiers Néerlandais en 1598, en passant par la colonisation française en 1715 à la prise par les Anglais en 1810.
Emmanuel Richon me montre les documents de la Bataille du Grand-Port et de la période anglaise, entre autres portraits et documents français et hollandais. « Nous voyons que les Français venaient dans la rade de Port-Louis durant la période anglaise. Ainsi, il y a toujours eu une dimension francophone qui subsiste sur l’île. C’est le principe de la culture mauricienne : quand on arrive, on doit accepter toutes les couches d’histoire et de culture qui précèdent. Nous pouvons essayer de rajouter notre couche, à condition d’accepter toutes celles qui existent déjà ! »
Par ailleurs, les différents tableaux nous dessinent la vie sur l’île durant chaque période et nous replonge dans les vestiges du passé, notamment des espèces endémiques disparues. « Il n’y avait pas d’autochtones sur l’île. Par contre, il y avait la plus grande tortue que la terre n’a jamais portée et que, malheureusement, les Mauriciens ne connaissent pas en général. Elle était si grande que, dans sa carapace retournée, 10 personnes pouvaient s’asseoir et y piqueniquer. Donc, c’était une tortue gigantesque qui n’existe plus dans notre inconscient collectif, tout comme l’océan Indien qui se limite aux Mascareignes pour la plupart des Mauriciens », explique mon guide.
Il me parle également du dugong, mammifère marin de l’ordre des siréniens, qui vivait dans nos eaux. Tout comme le dodo, ce dernier a disparu de notre île. Cependant, le dodo, lui, fait l’objet de nombreuses histoires et légendes, souvent non fondées. Le conservateur du musée m’explique que, sans prédateurs, le dodo était le roi de l’île avant l’arrivée d’autres espèces exotiques, apportées par les bâtisseurs de l’île. Notre dodo emblématique disparu était appelé « oiseau nauséabond et n’était pas bon à manger ». Ainsi, ils n’ont pas tous été mangés par les Néerlandais, comme le prétendent certains…
Port-Louis, ville phare de l’océan Indien
Durant les siècles qui suivent la découverte par les Portugais d’une route maritime vers l’Asie et ses richesses, une île et une ville occupent progressivement une place considérable dans l’histoire de l’océan Indien: l’île Maurice et Port-Louis, sa capitale. C’est l’objet de la prochaine salle.
D’un simple lieu de relâche pour équipages en quête de vivres frais, l’île devient, du fait de sa position géographique avantageuse, un poste convoité par les Néerlandais, Français et Anglais pour servir à leurs expéditions de découverte, de conquête et de commerce sur la route des Indes et de la Chine.
A travers les différentes photos et autres tableaux de l’époque, le visiteur constate que Port-Louis était une ville portuaire très prospère. Le nombre de bateaux dans la rade en témoigne. L’on peut également revivre les nombreuses transformations de la capitale et apprécier les différentes cultures qui font l’île Maurice d’aujourd’hui.
Histoire postale
La visite se poursuit dans une salle qui retrace les grandes lignes de l’histoire de la poste à Maurice. Les premières lettres connues de l’île Maurice émanent de la flotte néerlandaise des Moluques et datent de juin 1601. A cette époque reculée des premières escales dans une terre encore inoccupée, il était de coutume pour les capitaines de vaisseaux de laisser du courrier dans des cruches scellées que l’on suspendait à l’envers dans les arbres de KuipersEyland (île aux Tonneliers ou Coopers Island), à l’entrée de Noord WesterHaven, l’actuelle baie de Port-Louis.
Sous l’occupation française, le courrier continue de dépendre du bon vouloir des capitaines de vaisseaux accostant l’île. Il en est ainsi jusqu’en 1774, date de la création du premier service postal maritime officiel par Pierre Nicolas Lambert, fondateur et directeur de la Poste à l’Isle de France en 1772.
Dans cette salle, j’apprends également comment la gravure des timbres a commencé à Maurice. Joseph Osmond Barnard, le graveur des célèbres « Post Office », naît à Portsmouth en Angleterre le 10 août 1816. En quête d’horizons nouveaux, il part pour la France et s’embarque clandestinement au Havre, en 1838, sur le trois-mâts Acasta, à destination de l’île Maurice. De la rue Royale où il ouvre sa première boutique, il va s’installer, en avril1842, à la rue du Rempart (rue Edith Cavell), plus passante, puis à la Chaussée. Il est à cette dernière adresse quand le directeur des Postes le sollicite pour graver les premiers timbres-poste de la colonie, lui assurant, sans le savoir alors, sa place dans l’histoire !
Les fameux timbres Post Office
Le 21 septembre 1847, Maurice émet deux timbres-poste, les Post Office. Seulement 500 timbres One Penny rouge-orangé et 500 Two Pence bleu foncé seront produits. Premiers timbres de l’Empire britannique, à être émis hors de la Grande-Bretagne, ils sont d’une rareté et d’une valeur légendaires.
Aujourd’hui, l’on pense que seuls 15 One Penny et 12 Two Penny ont survécu. La plupart d’entre eux sont dans les collections permanentes de musées. En 1993, un jeu de deux timbres non oblitérés ont été acheté par un consortium de 16 entreprises mauriciennes mené par la MCB. Ils sont, depuis, exposés au Blue Penny Museum.
« Les Mauriciens se sont construit un inconscient collectif où des faits sont occultés et d’autres, au contraire, transformés ou irréels. Par exemple, le musée s’appelle le Blue Penny, mais le ‘penny’ est le timbre rouge, pas le bleu. Le ‘blue penny’ n’existe pas! C’est une construction mauricienne », commente le conservateur du musée. « Je ne suis pas pour que l’on change le nom du musée, mais cette erreur illustre beaucoup notre identité, l’identité mauricienne », poursuit-il.
Paul & Virginie, les amoureux immortalisés
Ce célèbre roman de Bernardin de Saint-Pierre a associé à jamais l’île Maurice à l’histoire mythique de ces deux amoureux, qui demeure une des plus belles œuvres de la littérature mondiale. Cette salle présente différentes éditions illustrées du roman ainsi que plusieurs tableaux inspirés du même ouvrage. Elle permet également de faire la part des choses entre la légende et la réalité puisqu’elle relate aussi l’histoire réelle du naufrage du Saint-Géran dont Bernardin de Saint-Pierre s’est inspiré pour la fin tragique de son roman.
A ne pas rater : La statue en marbre par Prosper d’Epinay : Cette magnifique sculpture est un chef d’œuvre du classicisme du XIXème siècle. Elle représente le passage où Paul aide Virginie à traverser le torrent, alors qu’ils s’étaient perdus en forêt. Cette extraordinaire statue vient clôturer de façon majestueuse le parcours dans le musée.
Tarifs
Résidents : Rs 50, quel que soit l’âge ou la nationalité.
Non résidents :
Adulte Rs 245
Enfant/Étudiant Rs 120
Famille (2 adultes + 2 enfants) Rs 580
Groupe adultes (supérieur à 10) Rs 200 par personne
Groupe enfants (supérieur à 10) Rs 90 par personne
Informations pratiques
Heures d’ouverture
Le musée est ouvert tous les jours de 10h00 à 17h00, sauf les dimanches et jours fériés.
La fermeture des salles commence à 16h30.
La caisse du musée et la boutique ferment à 16h30
Tél : 210 92 04
www.bluepennymuseum.com