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Dénicher les vestiges de l’esclavage seychellois

Parfois, la reconstruction du récit historique ne tient qu’à un fil : l’obstination de quelques mordus. Des historiens comme Chaplain Toto de Madagascar ont ce genre de ténacité, dans un contexte où parler de l’histoire de l’esclavage ne va pas de soi. La Seychelloise Odile de Comarmond en a fait un engagement citoyen… Dominique Bellier

Odile de Comarmond a présenté lors de la conférence Unesco, organisée ici début février pour les 190 ans de l’abolition et les 30 ans de la route de l’esclave, son livre sur les sites de l’esclavage aux Seychelles, recherche initiée grâce au projet Unesco de la Route de l’esclave à partir de 2001. Parallèlement à sa carrière dans l’éducation, elle a commencé en 2002 à mener ces explorations sur le terrain, aux archives et à recueillir de extraits de la tradition orale…

L’histoire de l’esclavage aux Seychelles comporte encore trop de non-dits, selon elle : « Pendant trop longtemps, on a écouté l’histoire des colons. Il est vraiment temps que le peuple connaisse l’histoire de son pays ! Nous devons aussi savoir ce que les esclaves ont fait, leurs métiers, leurs réalisations… Par exemple, tous les bâtiments de l’île Hodoul ont été construits par des esclaves ! »

Même la date exacte de l’entrée en vigueur de l’abolition de l’esclavage aux Seychelles demeure inconnue. Sous domination britannique, l’archipel a bénéficié de la même abolition que Maurice, mais… « on sait que Maurice n’a envoyé un bateau pour annoncer la nouvelle aux Seychelles qu’une semaine après le 1er février 1835. Il fallait alors compter au minimum deux semaines de trajet ». Aussi, des documents prouvent que des planteurs seychellois négociaient encore leur compensation après le 1er février…

Ros Kriminel

Notre interlocutrice a relancé son projet sur les sites une fois à la retraite, en 2022, grâce au financement du gouvernement seychellois. Publié en 2024 par le National Arts and Culture Fund, ce guide trilingue (anglais, français et kreol), signé avec Colette Gillieaux, présente à travers plus de 80 photographies, des lieux ou vestiges qui témoignent des pratiques esclavagistes et de la vie des esclavés et des marrons… Ros Kriminel d’où l’on précipitait des esclaves punis ou encore une plaque de fer chauffée au soleil pour les enfants, montrent que le système servile n’était pas plus doux ici qu’ailleurs.

L’isolement sur les différentes îles et l’inaccessibilité en montagne font que certains sites n’ont pas été explorés, mais ils nourriront une seconde édition augmentée avec des textes et images, espérons-le de meilleure qualité. Les photos montrent des chaînes avalées par un arbre ou l’anneau d’amarrage d’un bateau, avec lequel le colon allait chercher ses esclaves sur le continent, ainsi que les soubassements d’une habitation, à La Plaine St André, où les ouvrières esclavées lavaient le kapok ou le coton… On sait que des ossements humains ont été trouvés dans des cavernes localisées et le moulin à coprah de l’Union-La Digue est toujours en service, avec un bœuf.

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