Forte de ses 1400 entreprises adhérentes (représentant quelque 120 000 employés !), l’association Business Mauritius occupe une position-clé pour observer et analyser la situation économique réelle de notre île. Son directeur, Kevin Ramkaloan a bien voulu nous livrer ses commentaires sur les performances enregistrées l’année écoulée et sur ce que l’on peut raisonnablement attendre de 2019…
«Le sucre, commence le CEO de Business Mauritius, a été le grand perdant de l’année écoulée. La fin des quotas et l’effondrement des prix sur le marché international ont largement pénalisé ce secteur traditionnel de notre économie. Dans une moindre mesure, le secteur manufacturier, et surtout le textile, a également souffert en 2018. Pourtant, et malgré ces difficultés, la croissance nationale s’est établie à +3,8% ! Ce n’est pas négligeable.» Et si l’on ne prend en compte que les autres secteurs d’activité (sans le sucre et le textile), le taux de croissance atteint même 5% ! Après une pério-de de tassement qui pouvait présager de difficultés majeures, le secteur de la construction et des travaux publics semble avoir connu, en 2018, une embellie significative. «D’importants travaux d’infrastructures, comme le métro léger, et le développement des Smart Cities, estime notre interlocuteur, sont à l’origine de cette reprise, qui devrait se consolider cette année. »
Du côté des services, et notamment du sec-teur financier, l’heure est au réajustement : «Afin de s’aligner sur les nouvelles règles de l’OCDE et, dans une moindre mesure, de l’Union Européenne, explique M. Ramkaloan, notre pays a dû revoir complètement ses règles de ‘licensing’.» En contrepartie, Maurice a été retirée de toutes les listes de pays mal notés ou mal perçus. Mais cette mise en conformité règlementaire a un coût…
« De grosses compagnies multinationales opérant en Afrique pourraient choisir Maurice »
«Je pense, confie le CEO de Business Mauritius, que cela peut encourager une certaine tendance à la concentration, car les nouvelles contraintes peuvent décourager certains petits opérateurs du secteur ou aboutir à leur absorption par d’autres, plus solides… Mais, malgré cela, cette mutation, souhaitée par les grandes institutions internationales, est positive. Elle renforce notre position comme place sûre et sérieuse, ce qui pourrait bien inciter de grosses compagnies multinationales opérant en Afrique à choisir Maurice pour établir leur siège régional. D’ailleurs certaines l’ont déjà fait… De plus, cela va contribuer à structurer ce secteur : désormais, il est clair que le régime fiscal ne peut plus consti-tuer notre seule attractivité. Heureusement, nous avons d’autres atouts ! »
Dans tous les autres secteurs de l’économie, 2019 est aussi marquée par un manque de lisi-bilité… «Au plan local, c’est une année électorale, et cela induit toujours une dose d’incertitude», admet Kevin Ramkaloan. Mais c’est bien à l’échelon global que se situent les plus grandes sources d’inquiétude. «Notre tradition politique, ne nous fait pas craindre de crise locale majeure. Mais sur le plan mondial, les risques sont plus graves, explique-t-il : pour le tourisme, par exemple, les variations du prix du pétrole ou la crise des ‘Gilets jaunes’ peuvent conduire à une augmentation des prix de l’aérien et à une érosion très nette des arrivées de visiteurs français… Le Brexit pourrait avoir des conséquences fortes. Sur le tourisme, bien sûr, mais aussi sur nos exportations. Les tensions entre les USA et la Chine pourraient aussi nous pénaliser… Il est donc difficile de se risquer à un pronostic sérieux sur les performances de notre économie en 2019. Ce que l’on peut toutefois dire, c’est que, sauf imprévu, nous tablons sur une croissance un peu supérieure à celle de l’an passé.»