« Le 25 octobre 732, Charles Martel arrête les Arabes à Poitiers ». En substance, voici ce que les manuels d’histoire proposent comme synthèse de l’expansion arabo-musulmane en Europe. Toutefois, dans les grands ports de l’océan Indien, les Perses, Omanais, Yéménites et tant d’autres pratiquent le négoce avec succès. Les aiguilles de l’horloge s’immobilisent…, retour au temps de l’hégémonie arabique.
Dans la partie septentrionale de l’océan Indien, les proues des boutres s’élancent. Les larges voiles gonflées, ces bateaux traditionnels de la péninsule arabique sillonnent la région en quête de pêche et de commerce. De nombreux navigateurs partent pour plusieurs mois pratiquer un cabotage de tout genre: denrées
alimentaires, ivoire, épices, matières premières et, même, traite d’hommes en provenance de la corne de l’Afrique.
À partir du VIème siècle, ces navires parcourent l’océan Indien pour initier le négoce intercontinental. Des comptoirs commerciaux sont installés ça et là. Le siècle suivant, la religion musulmane naît et se propage grâce à ses marins, ambassadeurs du Prophète.
Baptisées Dina Robin et Dina Morgabin
Ces hommes lient des relations avec tous les commerçants et bientôt tissent de véritables réseaux. Du détroit d’Ormuz aux côtes mozambicaines sans oublier la mer de Chine et les Mascareignes, les navires arabes sont rois. La « mer verte » s’étend.
Le troisième plus grand océan du monde est bientôt retranscrit. À partir du XIIème siècle, les cartographes arabes désignent cet espace maritime en leur honneur: la « mer perse » est née. Ainsi, les navigateurs explorent inlassablement et les Mascareignes se placent comme relai idéal. Les lagons protègent des agitations de l’océan et permettent aux marchands un repos mérité. Le ravitaillement et les réparations de ces boutres de bois sont également au programme. Au gré des accostages, les Arabes baptisent ces îles. Dina Robin et Dina Morgabin seront les premières dénominations respectives des îles Maurice et de La Réunion.
D’ailleurs la ville mauricienne de Moka, n’est-elle pas en référence au port yéménite de Moka ou Mocha (c’est selon), plaque tournante du marché du café d’alors ?
La menace des pavillons européens
Les siècles défilent. Au fur et à mesure, d’autres nations veulent elles aussi participer à la conquête des mers. Alors les Indiens, Malais et tant d’autres entrent dans la course du commerce. Toutefois, des voiles bien plus menaçantes s’avancent sur les vagues. Les pavillons européens flottent dans l’air salin. En toute fin du XVème siècle, les navires portugais dépassent le Cap de Bonne Espérance et comptent détrôner quiconque se trouve sur leur chemin dans la quête de la route des Indes. L’odeur de la rivalité approche ainsi que l’ère des colons européens, une Reconquista avant l’heure est en marche! Alors, dès le début du XVIème siècle, les batailles navales assurent aux Lusitaniens les ports du sud de l’Afrique et des côtes indiennes. La voie est ouverte, le monopole arabe est brisé.
La suprématie des marchands perses s’atténue et tend à disparaître. Les boutres ne font plus recette. Toutefois, leur ancrage reste. D’ailleurs, le Comte de La Pérouse ne reprit-il pas le nom de l’Astrolabe pour son bateau? Cet ancêtre du sextant tant perfectionné par ces navigateurs arabes…
Vous voulez en savoir plus ?
Quoi de mieux que l’imaginaire des Mille et une nuits afin d’intégrer le monde féérique de Shéhérazade et de Sinbad le marin. Pour ceux en quête de réel, l’Institut du Monde Arabe sur les quais de Seine à Paris saura combler vos attentes. Le musée et les expositions temporaires sublimeront la diversité des cultures du monde arabe, celui qui aura vu naître l’écriture… et tant de navigateurs.