17 ans après sa première affectation, Florence Caussé -Tissier a de nouveau foulé le sol mauricien en tant qu’Ambassadrice de France. En poste depuis septembre 2020, elle représente la France et ses valeurs, tout en maintenant et renforçant les liens forts qui unissent Maurice et la France depuis de nombreuses décennies. A l’occasion de la journée de la femme le 8 mars, nous avons pu la rencontrer au cours d’une interview intime, afin de revenir sur ses engagements en tant que représentante de la diplomatie française à Maurice.
La Gazette Mag : Vous semblez engagée en faveur de l’environnement et du développement de l’économie bleue. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Florence Caussé-Tissier : En effet, il est important de se sentir concerné par les sujets environnementaux. Que l’on soit simple citoyen ou représentant d’une institution, nous avons tous un rôle à jouer pour protéger l’environnement au quotidien. De manière plus globale, on voit que ces enjeux environnementaux sont venus se placer au cœur des diplomaties du 21ème siècle. Je pense notamment à l’Accord de Paris, adopté en un temps record lors de la COP21 en 2015, une année emblématique, même historique, car cet accord a revêtu une dimension quasi universelle.
Aujourd’hui, on voit qu’à Maurice comme en France, les questions environnementales sont devenues importantes dans l’agenda des sujets à traiter. En concertation avec les autorités mauriciennes, l’action de la France ici dans l’île se décline par exemple sur les questions du changement climatique ou encore la préservation des zones côtières. Nous travaillons également sur la gestion des catastrophes environnementales, et sommes solidaires, à l’image des efforts déployés lors du naufrage du Wakashio.
L’économie bleue, dont vous parlez, fait aussi partie de ces questions environnementales. On sait qu’il existe un lien entre la dégradation des océans et ses conséquences économiques et sociales. L’enjeu est donc de veiller à la conversation et la gestion durable des ressources aquatiques ainsi que la répartition équitable de ces bénéfices entre les communautés côtières qui en dépendent.
La Gazette Mag : Nous avons vu lors de la soirée de lancement de la saison culturelle à la Résidence de France, qu’il y avait une volonté de l’Institut Français de Maurice (IFM) de démocratiser l’accès à la culture. Quelles sont les actions menées en ce sens pour l’année à venir ?
Florence Caussé-Tissier : La culture est extrêmement importante, partout et pour tous, et son accès doit être rendu possible, en toute occasion. Nous avons certainement tous un souvenir d’émotion artistique nous ayant marqué dans notre vie, que ce soit dans le domaine de la musique, de la peinture, de la danse, du cinéma…
Ce qui est précieux avec l’art, avec la culture, c’est que ce sont des fenêtres ouvertes sur le monde.
L’art favorise aussi une forme d’exercice introspectif, il nous amène à nous interroger sur nous même, sur qui on est et d’où l’on vient. Je trouve important de rendre possible cet accès à l’art, car c’est avec cela qu’on se forge sa propre culture.
La raison d’être de l’IFM est de créer un espace ouvert, qui va susciter les interactions avec le public, les artistes, les créateurs, les étudiants, les jeunes, les séniors… l’orientation qu’on veut donner à l’IFM s’inscrit sur des axes de durabilité, et sur la question du voisinage, avec notamment la Nuit des idées qui a eu lieu en janvier dernier et a permis d’ouvrir les portes de l’IFM à des personnes qui n’auraient pas osé venir auparavant.
La Gazette Mag : Le 8 mars, journée internationale des droits des femmes, est une date importante, car elle permet de mettre en lumière la condition des femmes dans le monde et de mettre en avant la lutte pour les droits des femmes. Vous êtes la première femme ambassadrice de France à Maurice. Vous évoluez dans un milieu encore majoritairement masculin. Comment vous positionnez-vous et cela est-il plus difficile aujourd’hui d’être une femme diplomate ?
Florence Caussé-Tissier : La question de la place des femmes dans la société est un sujet en soi, qui n’est pas nouveau. C’est vrai que j’évolue dans un univers qui reste encore plutôt masculin. Aujourd’hui, nous sommes à peu près 30% de femmes occupant des postes d’ambassadrices dans la diplomatie française. Dans les années 2010, nous étions à 10-15% de femmes à ce niveau, donc il y a une progression. Ce n’est pas le fruit du hasard, car il y a une politique volontariste mise en place par le Ministère des Affaires Étrangères. L’objectif de tendre vers plus d’égalité se prolonge à travers la diplomatie féministe promue par la France : lutte contre les violences sexistes, sexuelles, promotion de l’égalité professionnelle et de l’éducation des filles.
Les choses tendent donc à s’améliorer mais il ne faut pas baisser la garde. Simone de Beauvoir disait d’ailleurs : “Rien n’est définitivement acquis. Il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Votre vie durant, vous devrez rester vigilantes.” La vigilance doit rester constante.
Les femmes, dans le monde de la diplomatie et sur des postes comme le mien, doivent cesser de se dire qu’elles sont là par effraction, qu’elles prennent cette place là pour seul motif qu’elles sont des femmes. Il faut toujours raisonner à compétences égales. Etre dans une mixité hommes-femmes où chacun occupe sa juste place, c’est se dire qu’on avance ensemble, qu’on forme cette collectivité et qu’on peut chacun à sa manière, apporter sa créativité, sa capacité à innover, et la pertinence d’un regard que l’on peut avoir. C’est notre empreinte personnelle qui est importante et celle des femmes compte pour beaucoup.