Gilles Huberson, Ambassadeur de France à Maurice, est chargé comme tous les ambassadeurs, de « gérer » la relation bilatérale et la coopération entre Maurice et la France. Ayant acquis une solide expérience dans des postes difficiles (il arrive du Mali où il a été ambassadeur pendant quatre ans) Gilles HUBERSON est un diplomate expérimenté, dont un des traits de caractère est sa capacité à s’adapter et à s’investir personnellement et avec pragmatisme. En poste depuis septembre 2016, il a déjà de nombreuses actions à son actif, notamment la mise en avant de Maurice comme « hub » pour l’investissement et l’éducation en Afrique, et la mise en valeur du partenariat avec La Réunion, « la France la plus proche de Maurice », selon son expression. Rencontre.
A un moment de votre carriére, vous décidez de quitter l’administration publique pour rejoindre le groupe LVMH. Vos premiers mois dans le secteur privé, ont-ils constitué un choc culturel ?
L’époque où une personne n’exerce qu’un seul métier est révolue. J’ai toujours été attiré par le secteur privé, et je considère qu’un passage dans l’entreprise est un « plus » pour tout haut-fonctionnaire, et singulièrement un ambassadeur. En ce qui me concerne, je n’envisageais pas de solliciter un poste d’ambassadeur sans une telle expérience préalable. Aujourd’hui, quand je parle aux chefs d’entreprises, c’est avec – aussi – le même référentiel. Dans ma mission de promotion des intérêts économiques et commerciaux de la France, une telle expérience constitue un atout important.
Je n’ai pas senti de « choc », seulement une belle découverte d’une entreprise extraordinaire, un fleuron de l’industrie française.
Qu’est-ce qui vous a fait revenir à vos anciennes amours?
C’est Marie Luce Penchard et son projet. Nous avions à l’époque une ambition : ancrer les outre-mer dans leur environnement régional et adapter pour eux les règles européennes. Ces trois années, qui ont commencé sur les chapeaux de roues avec les Etats généraux des outremers ont été enthousiasmantes. Elle m’ont permis aussi de renforcer mes liens d’amitié avec votre voisin, le Président du Conseil Régional de La Réunion, Didier Robert.
Quel pays en particulier vous a marqué au cours de votre carrière? Pourquoi ?
J’ai été frappé par la découverte de la Malaisie et de l’océan Indien ; c’était aussi mon premier poste… Le Canada fut aussi une découverte frappante, mais le plus marquant de mes postes reste le Mali. La mission était importante : il s’agissait à la fois d’aider ce pays et la région à lutter contre le terrorisme, alors même que les Armes de la France étaient engagées ; il s’agissait aussi d’aider les Maliens à retrouver une certaine stabilité, notamment politique et institutionnelle ; il s’agissait enfin de développement économique.
Avec mon équipe, nous avons voulu montrer qu’un vrai développement concret et respectueux des priorités du pays était possible, et qu’à la fin l’impact sur le quotidien des habitants était réel. Ma fierté a été, dans mes dernières semaines de présence, de pouvoir inaugurer plusieurs projets : trois lycées dont j’avais lancé la construction trois ans plus tôt, pour 3 millions d’euros ; l’adduction d’eau pour 1 million de Bamakois, un projet de plus de 250 millions d’euros pour lequel la France a assumé le rôle de « leader » de la communauté internationale. Enfin, je suis fier d’avoir pu, avec l’aide de notre extraordinaire armée française, continué à mener des projets de développement en zone de guerre afin que les populations puissent mesurer « les dividendes de la paix ».
Depuis les années 2000, vous avez travaillé – pour La France – dans plusieurs pays. Vous avez toujours voulu partir à la découverte du monde ou ce sont des coïncidences?
Oui, si vous me permettez de paraphraser un chanteur français célèbre, c’est ce qu’on pourrait appeler « l’esprit Grande Prairie ».
Un riche parcours
Je suis sorti de l’Ecole militaire spéciale de Saint Cyr en 1981. Après 15 ans de carrière comme Officier d’active, j’ai intégré le Quai d’Orsay en 1996, après 3 ans au Cabinet du Premier Ministre. J’ai successivement occupé les fonctions de responsable de la lutte contre le terrorisme (1996-1999) à la sous-direction de la sécurité au Ministère des Affaires étrangères. Puis, de 1999 à 2002, j’ai été affecté comme deuxième Conseiller de l’Ambassade de France à Kuala Lumpur, puis de 2002 à 2005, j’ai été Premier Conseiller de l’Ambassade de France à Ottawa. Ensuite (2005-2007), j’ai exercé les fonctions de sous-directeur de la sécurité et directeur du centre de crise au Ministère des Affaires étrangères.
J’ai alors souhaité une expérience dans le secteur privé qui s’est concrétisée avec le Groupe LVMH (Louis-Vuitton-Moet-Hennessy) où j’ai servi deux ans au Corporate en tant que directeur Affaires Générales du Groupe.
En 2009, j’ai retrouvé la politique, et intégré le Cabinet de la ministre des outre-mer, Marie-Luce Penchard, comme Conseiller diplomatique et affaires européennes.
Après un court passage en Israël comme chargé d’affaires (été 2012), j’ai été nommé Chef de la Mission interministérielle ‘Mali-Sahel’, puis, début avril 2013, ambassadeur de France au Mali. En septembre 2016, j’ai été nommé Ambassadeur de France à Maurice.
Comment se sont passés ces premiers mois en poste? Quelle est votre appréciation de l’art de vivre à la mauricienne ?
Je ne suis là que depuis très peu de temps, mais j’ai déjà développé de profondes affinités avec Maurice et ses habitants. Je dois avouer du reste qu’il faudrait avoir une psychologie bien particulière pour ne pas se plaire ici…
Ce qui m’a le plus étonné, c’est l’état d’esprit des Mauriciens, votre multiculturalisme, votre ouverture d’esprit, votre sens de l’accueil, votre gentillesse.. Bref votre « art d’être »
Comment percevez-vous les relations entre La France et Maurice ?
La France et Maurice sont de vieux amis, des « amis de 300 ans » si je peux me permettre l’expression. Sur le plan économique, la France figure parmi les premiers investisseurs à Maurice, avec des investissements directs étrangers qui représentent près du tiers des montants investis.
De grands groupes français comme Orange, Canal+, Total, Colas, BPCE, Accor ou Casino, des ETI et des PME et de nombreux entrepreneurs individuels, dont la plupart viennent de La Réunion, apportent leur contribution à l’économie mauricienne en investissant et en créant des emplois ; 13 000 salariés étaient employés par les investisseurs français à Maurice en 2016.
Mais au-delà des échanges économiques, l’excellence de la relation bilatérale entre la France et Maurice est liée à notre culture, notre peuple et notre langue et histoire communes.
Par ailleurs, la proximité de La Réunion, « la France la plus proche de Maurice », est une donnée essentielle de notre partenariat. Maurice et La Réunion présentent des profils très complémentaires que je m’attacherai à renforcer à travers une coopération dense et diversifiée, qui est appelée à se renforcer encore à l’avenir.
Quels sont les grands axes sur lesquels vous travaillez pour les renforcer ?
Outre bien sûr les aspects politiques bilatéraux, qui constituent le « cœur » du métier d’ambassadeur, je citerais l’axe économique et commercial en premier lieu avec plusieurs sous-questions : les investissements croisés entre la France et Maurice, et ceux, parallèles, des Mauriciens à La Réunion ; les convergences à trouver entre nos entreprises pour aller, ensemble, gagner des marchés dans la région ; la question de « Maurice hub pour l’investissement vers l’Afrique » qui me semble particulièrement intéressante à suivre… et, sur un plan plus thématique, les sujet de l’eau, des déchets, des transports, du BTP, de l’énergie renouvelable, les économies verte et bleue…
Ma priorité, c’est aussi d’encourager les actions en faveur de l’éducation et notamment les initiatives pour l’enseignement supérieur et la recherche, dans le cadre de « Maurice hub éducatif pour l’Afrique». Par exemple, à Médine, le projet International Campus for Sustainable and Innovative Africa avec un consortium de grandes universités et d’écoles françaises, devrait aboutir à la rentrée prochaine à l’ouverture de nouveaux bachelors et masters, afin de former les élites de la région indocéanique et d’Afrique australe. De plus, de nombreux opérateurs économiques français s’impliquent dans des projets urbains liés à ces « smart cities ».
Enfin, sur le plan culturel, je mentionne notre Institut Français de Maurice et sa programmation que j’invite tous, Français résidents ou de passage, Mauriciens, étrangers, à suivre.
Parlez-nous de l’intérêt des Français à síexpatrier à Maurice?
Selon le dernier recensement, 15 000 français résident à Maurice et on enregistre une augmentation de 2% à 3% chaque année. 150 entreprises françaises sont implantées sur le territoire mauricien.
Depuis les cinq dernières années, la tendance s’est littéralement inversée avec désormais plus d’expatriés que de binationaux. Cette augmentation des expatriés est notamment liée à la politique d’attraction de Maurice. Elle vous bénéficie aussi, en favorisant la création d’emplois.
L’Ambassade et le Consulat sont justement là pour appuyer et soutenir les Français de Maurice. La Chambre de Commerce et d’Industrie France Maurice est également très dynamique dans son accompagnement des entrepreneurs.
Vous êtes considéré comme un spécialiste des questions liées au terrorisme. En poste au Canada, vous vous intéressez à la piraterie maritime moderne. La question de la piraterie dans l’océan Indien sera-t-elle une de vos priorités ?
Non, cette question ne figure pas dans mes actions prioritaires.
Comment l’ambassade se prépare-t-elle à accueillir la présidentielle ?
Nous sommes à l’œuvre. Cet événement est prévu entre les mois de mai et de juin 2017 et nous veillerons au bon déroulement de ces scrutins. Nous avons opté pour un bureau de vote unique dans les locaux du Lycée des Mascareignes qui bénéficie d’une bonne situation géographique et de facilités de parking. J’encourage mes compatriotes à venir voter. C’est un devoir et un honneur.
Quelles seront les prochaines dates importantes pour l’Ambassade ?
Outre la préparation des élections présidentielles et législatives qui va bien nous occuper, et notre agenda culturel que vous pouvez consulter sur le site internet de l’ambassade et de l’Institut français de Maurice, les rendez-vous le plus importants chronologiquement d’ici l’été seront le 21 mars, l’évènement « Goût de France », qui réunira les meilleurs Chefs de Maurice qui célébreront l’art de la table française avec un menu à la française dans une ambiance conviviale et puis bien sûr le 14 juillet, jour de notre fête nationale française. Elle se déroulera à l’Aventure du Sucre et sera accessible sur invitation, en raison du grand nombre de Français (nous ne pouvons bien sûr accueillir 15.000 personnes sur le site).
Enfin nous sommes dans l’attente de la date de signature de deux accords, l’un sur la Défense et l’autre pour une Convention d’Extradition entre Maurice et La France, qui devraient intervenir dans le cours de l’année.