Il y a chez Ginette Anodin une grande qualité qui ne s’est jamais tarie, même dans les pires moments de sa vie : la curiosité. Depuis quelques temps, elle a une obsession qui peut sembler irréaliste au néophyte, mais qui ne l’est pas quand cette femme déterminée s’en empare : réaliser un sari avec de la fibre de banane. Dominique Bellier
Le sari est un des vêtements les plus luxueux de Maurice, importé à grand frais d’Inde. L’idée d’en confectionner ici, avec une fibre extraite des troncs de bananiers, est géniale. Créer ainsi de la richesse avec ce qui serait sinon un déchet est déjà une activité d’Entreprendre au féminin Océan Indien (EFOI Maurice). Ginette Anodin a créé cette association en 2002, à la demande de la COI et plébiscitée par ses amies de l’Association mauricienne des femmes chefs d’entreprise (AMFCE). « Parce que j’ai une grande gueule », nous dit-elle sur un ton rieur.
Quand elle a une idée en tête, elle sait se donner les moyens de l’accomplir, remuant ciel et terre pour obtenir les appuis qui lui permettront d’aboutir. EFOI a les machines pour extraire la fibre et en faire le fil destiné aux napperons, sets de table, tapis, bijoux et autres objets. Et surtout, les métiers à tisser, donnés par une entreprise qui partait à Madagascar, attendent que leurs futures usagères soient formées, pour confectionner les fils et tissus à saris.
Cette grande femme au visage volontaire s’active moins au développement des projets, suite à un violent AVC, mais elle reste une tête pensante d’EFOI, le ti piman qui apporte les bonnes idées. « Quand la fibre de banane est bien travaillée, on peut en faire un fil comparable à la soie », nous explique-t-elle avec candeur. Elle nous étale les saris chatoyants qu’elle a ramenés d’Inde, sur la table du living room. Dans la pièce à côté, trônent les machines à capitonner et à coudre de l’entreprise qui l’a fait connaître à partir de 1993. Cosi Couette a été une grande réussite jusqu’à ce que la crise du Covid la prive brutalement de sa principale clientèle, les hôtels. Parallèlement, Ginette œuvrait pour l’entreprenariat féminin ; sa préoccupation étant que des femmes créent leur activité à moindres frais. Elle a, par exemple, fait campagne pour la culture et la valorisation du vétiver. « Le vétiver ne demande pas d’équipement couteux et permet de faire des tas de choses : des semelles intérieures pour la santé des pieds, des tisanes pleines de vertus, d’excellents répulsifs contre les mites, des chapeaux et de la vannerie qui sentent bon. » Cette plante vient notamment de la ferme intégrée de Dubreuil, le dernier site créé par EFOI, où plusieurs projets sont déjà à l’œuvre ou en gestation : farine de banane, huiles essentielles et ce qu’on ne sait pas encore…