À l’évocation de son nom, les enfants frémissent de peur. Une espèce de sorcière ou de croque mitaine vient hanter leur imaginaire. Une légende réunionnaise dont les anciens rappellent le passé d’une grande propriétaire foncière de l’île Soeur : Madame Ombline Desbassayns.
Dans la brume de Saint-Gilles-les-Hauts, une silhouette à fichu rouge veille ses parcelles. Cette femme est considérée comme la plus riche du début du XIXe siècle à Bourbon.
Ombline Gonneau Montbrun, née d’une mère morte en couche, est la seule héritière de sa famille. À 15 ans, un mariage d’affaires est organisé avec son cousin de près de 40 ans. La conjugaison des fortunes familiales provoque alors un patrimoine gargantuesque. L’ouest de l’actuelle île de la Réunion vit au bon vouloir de ces nantis en cette année 1770.
Puis ce sera à son tour d’enfanter. À cette époque les femmes sont principalement des
« ventres » et Ombline devient une matrice pendant deux décennies où treize accouchements seront effectués. Puis ses enfants quittent le logis autant que son mari. Ombline disparait au profit de Mme Desbassayns. Une femme d’affaires, une maitresse de propriété et un autoritarisme qui marque la chair des esclaves à coups de fouet. Tout marronnage est châtié. Ses quatre cents esclaves ne le savent que trop bien.
Veuve à quarante-cinq ans, elle délaisse la culture du café au profit de la cannes à sucre. Les esclaves triment. L’abolition de l’esclavage n’est pas appliquée au Mascareignes et Napoléon ne tardera pas à le rétablir ainsi que le Code Noir.
Ainsi, Madame Desbassayns influe dans la société coloniale. À Bourbon, des gens s’émerveillent à l’écho de son nom, d’autres tremblent.
La propriétaire cristallise la haine d’un système. Une puissance financière basée sur l’abomination d’une période coloniale esclavagiste. Deux ans avant l’abolition de l’esclavage de 1848, Mme Debassayns décède à près de 91 ans. Pour autant le mythe subsiste. Il se dit même que lorsqu’une éruption du piton de la Fournaise survient, c’est Mme Desbassayns clouée aux enfers qui le provoque. Ou si les enfants méritent une remontrance, on annonce la venue de grand-mère kalle. Une sorcière aux traits d’une vieille dame bien connue de Saint-Gilles-les-Hauts…
Toutefois, à ce jour les archives manquent à son sujet. On suppose que des soutiens ont détruit ou caché des preuves des agissements de la veuve. Mme Desbassayns n’a pas encore dévoilé tous ses secrets…
Vous voulez en savoir plus :
Visitez le musée de Villèle à Saint-Gilles-les-Hauts. L’ancienne demeure blanche aux volets bleus de Madame Desbassayns vous plongera dans l’histoire de l’esclavage réunionnais. Et qui sait, peut-être rencontrerez-vous son fantôme…