Maux de tête, attaques de panique, ralentissement psychique font partie des symptômes d’une souffrance liée à l’expatriation. Parce que ce mal-être est difficilement identifiable et avouable, il évolue volontiers vers les maladies psychosomatiques. Le traitement thérapeutique aide, mais les solutions pour y remédier et sortir de la zone d’ombre passent par une approche holistique construite à partir d’outils adaptés. Le Dr Uvarajen Paratian, médecin généraliste et spécialiste en hypnose médicale et clinique nous en parle.
D’abord, il y a la phase de la découverte et de l’émerveillement où le pays d’adoption a des allures de paradis. Puis, le point de vue de celui ou celle qui s’enthousiasmait à tout propos change, et de fantastique, d’extraordinaire, tout glisse vers le critiquable. « Le point de départ du mal-être coïncide avec ce moment où l’on commence à comparer le climat, la qualité du pain, la richesse culturelle de son pays d’origine et de son pays d’adoption, à faire la balance entre sa vie d’avant et celle d’aujourd’hui pour entrer de plein pied dans une zone d’insatisfaction permanente », introduit le Dr Uva Paratian.
D’abord le déni comme posture
Parce qu’elles vivent le plus souvent dans un cadre magique, ont de bons revenus permettant de consommer facilement et d’accéder aux plaisirs, ces personnes ne font pas le rapprochement entre leur inconfort psychologique et leur condition d’expatrié(e). Cette plainte ne favorise ni le genre, ni l’âge, ni la situation familiale et lorsqu’elle s’installe de façon chronique, les maladies psychosomatiques font leur apparition. Celles ci se traduisent par des maux de têtes permanents, de l’essoufflement, de l’absentéisme au travail, des attaques de panique, des insomnies, des allergies, – le plus souvent urticantes à Maurice -, des crises de tachycardie, voire de l’anhédonie – une perte totale d’envie et de plaisir -, voire de l’alcoolisme et de conjugopathie, c’est à dire l’installation de la mésentente dans le couple. « Tous les expatriés ne souffrent pas, fort heureusement, pour la simple raison que l’éloignement du pays, des proches, de la famille a un effet « trigger », c’est à dire déclencheur d’un état de souffrance qui existait déjà. Souvent le mal-être ou le blues des expatriés révèlent des souffrances anciennes, cachées et des non dits. Car changement géographique ne veut pas dire changement en soi.
Ensuite le recours aux solutions
« Ne pas oublier que l’on s’expatrie pour grandir et que l’on veut en général trouver la solution pour renouer avec le processus d’élévation initiale », poursuit le Dr Paratian. Exerçant aussi à La Réunion, celui qui s’est intéressé à cette drôle de maladie engage une prise en charge globale du patient, une approche holistique qui permettra à ce dernier de mettre le doigt sur les changements à faire en lui pour arriver aux résultats escomptés, et dans ses pensées confuses et dans son comportement.
Ce mal-être touche les personnes qui étaient déjà en souffrance, laquelle progresse par par l’effet « trigger » du à l’éloignement du pays, des proches
Cette approche globale s’appuie sur une psychothérapie brève pouvant faire appel à l’hypnose conversationnelle – échange dans un état d’éveil total avec les sens en alerte – et l’écoute active, une méthode qui consiste à ne pas attendre son tour pour parler. « On est ici dans une situation où l’écoute est pleinement dirigée vers l’autre, où tout ce que « Je dis intéresse le soignant » qui le reçoit sans « Jugement aucun ». L’autre volet thérapeutique est le life coaching en couple ou en famille. « On travaille ici sur le concept FORE : F pour Family, O pour Occupation, R pour Relationship et E pour Educative afin de mettre en exergue les plus et les moins de ces quatre chapitres de vie. Si deux voyants sur quatre sont rouges, cela signifie qu’il y a un problème à résoudre. C’est un outil important d’autant qu’il a y souvent un partenaire inactif car sans permis de travail, nourrissant le sentiment d’être inutile dans un pays où il y a tant à faire. Cela peut être extrêmement mal vécu », explique le Dr Paratian. Toutes ces techniques aident à mettre des mots sur des maux et à accéder à une situation plus saine, voire à se dépasser.
Il est essentiel de s’intéresser à son nouveau pays
Au delà des méthodes de thérapie, un point sur lequel le médecin insiste vise l’ouverture à l’autre, au désir de découvrir son pays d’adoption, sa population, sa culture. Et regrette le médecin, les personnes vivant en terre étrangère, et cela ne vaut pas que pour Maurice, ont tendance selon lui, à se ghettoïser, à se retrouver entre personnes de même origine, à tenter de construire leur pays dans le pays.
Après tout, ne serait-ce pas un réflexe normal, humain, de se rapprocher de personnes de même nationalité, évoluant sur les mêmes codes culturels et sociaux, parlant le même langage et ayant un vivier de références communes? « Cela s’entend, mais sortir de la diaspora, s’intéresser réellement à son environnement, c’est déjà une première solution, sans que cela soit conscientisé, pour éloigner le mal-être lié à l’expatriation», conclut le médecin. On a tendance à croire, à tort, le contraire.
Dr Uvarajen Paratian
Médecin généraliste, et specialist en hypnose médicale et clinique
Diplômé de la faculté de médecine de Strasbourg en médecine générale, le Dr Uvarajen Paratian qui est détenteur d’un D.U. Psychiatrie générale de l’Université de Bordeaux et d’un D.U. Hypnose Médicale et Clinique de l’Université de La Réunion exerce entre La Réunion et Maurice.
Contact : Cabinet Wellbeing, Angus Lane, Green Avenue, Vacoas,
Tel: 52576803