Au fil des années, les petites cases créoles et les maisons coloniales ont cédé la place aux maisons en dur, dépourvus de réel travail d’architecture, uniformes et le plus souvent uniquement construites en béton. Heureusement, les jeunes générations s’intéressent de plus près à l’architecture.
Que la demeure soit belle ou pas, pendant longtemps, l’essentiel pour les Mauriciens était d’avoir un toit sur la tête, notamment dans les villes. A l’opposé, sur les côtes, surtout pour les « campements » (les maisons en bord de mer), on fait appel à des architectes et on essaie d’y apporter un peu de modernité. Ces maisons secondaires, plus confortables, étaient majoritairement destinées à la location et aux rares vacances en familles. Cette situation a créé, dans le paysage immobilier mauricien, une grande disparité entre les zones urbaines et rurales, voire côtières.
Aujourd’hui, l’île est gagnée par une nouvelle ère de modernisation. On ne veut plus avoir la maison qui ressemble à celle du voisin. Un toit ne sert plus qu’à s’abriter, mais il s’agit de tout un concept de vie. « La décoration fait, à présent, partie intégrante du projet de rénovation ou de construction d’une maison. Alors, qu’il n’y a pas encore longtemps, celle-ci n’était prévue qu’une fois les travaux achevés. De nos jours, les gens se projettent dans leur intérieur avant même le début des travaux», dit Angélique de Rosnay, directrice de Piment Rouge. Les Mauriciens sont, effectivement, de plus en plus a l’écoute des tendances en matière d’aménagement et de décoration. Ils sont également d’avantage attentifs à la qualité de ce qui leur est proposé.
Cet engouement, pas si nouveau, est dû à deux choses qui se sont ajoutées à la société mauricienne : la forte présence des médias et les voyages à l’étranger. En effet, un plus grand accès à l’information a permis à Maurice de se développer rapidement et aux Mauriciens d’aspirer à une société nouvelle. « Les médias ont une très forte influence. Le regard se forme, l’œil critique se développe et le cerveau emmagasine des choses. L’Internet est également un grand facteur de cette évolution.», avance Jason Chelvanaigum, architecte d’intérieur et directeur de Design Digest Ltd.
Le moindre décor d’un film, est comme un appartement de magazine. Ainsi, les gens se projettent également dans ces décors et veulent avoir la même chose chez eux
Au final tout ceci est une évolution très naturelle, diriez-vous. « Les Mauriciens voyageant beaucoup. Ils veulent avoir le même confort, le même design, la même technologie et les mêmes produits que ce qu’ils découvrent a l’étranger. Aussi, le goût des Mauriciens a évolué. Ils ont accès aux émissions de télévision dédiées à la décoration, aux magazines de décoration, le nombre des décoratrices est en train d’exploser… C’est une évolution naturelle de la consommation », confirme Sandrine Franchette, directrice de Vivere Living.
Néanmoins, la clientèle ne recherche pas que le contemporain à tout prix. Ils sont très adeptes des nouvelles tendances et le vintage revient également à la mode : « Oui, il y a effectivement une clientèle qui cherche des choses très modernes, mais il existe aussi une identité bien locale. Par exemple, nous avons des demandes pour réaliser des damiers blanc et noir et d’autres styles plus rustiques. Parfois, des clients viennent chez nous avec des images de magazines, qu’ils utilisent comme support visuel pour refaire leur maison », indique Olaf Masson, Directeur d’Entrepôt de la Pierre, spécialiste du carrelage italien et de la pierre naturelle.
Les hôtels et les RES donnent le ton
« Les hôtels se renouvellent sans cesse pour garder une qualité optimale de leurs infrastructures. Ce sont ces établissements qui maintiennent une certaine pression sur les prestataires afin qu’ils continuent à innover. Aujourd’hui, il est clair que nous sommes reconnus dans le monde entier pour nos hôtels et non nos maisons », affirme Jason Chelvanaigum. Effectivement, un grand nombre d’hôtels ont profité de la basse saison touristique pour des rénovations en 2015 et c’est une tradition qui dure depuis quelques années.
Les Mauriciens, qui constituent désormais une bonne partie de la clientèle des établissements hôteliers, s’inspirent à leur tour de ces derniers. Toutefois, le bois se fait rare et moins accessible à tous. « La plupart des hôtels à Maurice ont encore un style très tropical. Par contre, ce style très prisé chez les particuliers avec les meubles en teck est en recul. Il est vrai aussi que la qualité des meubles en provenance d’Indonésie est malheureusement en train de baisser, notamment à cause de la rareté du joli bois de teck », indique Sandrine Franchette.
D’autre part, les programmes d’immobilier de luxe lancés à Maurice en 2002, rendant l’acquisition immobilière possible pour un non résident, ont grandement boosté le secteur de la construction. Malheureusement, l’engouement grandissant des promoteurs pour les Property Development Scheme (PDS), anciennement IRS et RES, a résulté dans des constructions souvent bâclées, au niveau des finitions. La plupart des produits d’aménagement d’intérieur étaient importés, sans avoir de représentant en local et on ne faisait pas souvent appel à des professionnels. « Les hôtels, doivent respecter les normes internationales, afin de garder leurs étoiles et leur clientèle. Toutefois, au niveau des projets immobiliers, il n’y a pas de vrais contrôles. Ainsi, tous les projets IRS ou RES ne sont pas forcément des bons exemples », souligne Jason Chelvanaigum.
La prise de conscience de ce problème et la demande grandissante pour des produits de grande qualité, ont été des catalyseurs certains de l’implantation de nombreuses marques internationales dans l’île. «Je pense que le volume de biens construits à Maurice attirent, effectivement, des marques internationales. Pour ces grands projets, il faut pouvoir faire une livraison dans un temps assez court. Dans un programme où il y a 40 appartements, par exemple, il faut pourvoir livrer et installer 40 cuisines dans une durée restreinte », dit Olaf Masson, Directeur d’Entrepôt de la Pierre. « Nous avons travaillé sur divers types de projets : maisons individuelles, bureaux, magasins, RES ou IRS, hôtels et appartements. C’est vraiment un mélange équilibré de nouvelles constructions ou de rénovations.»
Un marché fortement concurrencé
La concurrence s’installe férocement dans le secteur de l’immobilier et surtout de l’aménagement d’intérieur. Au tel point que « le nombre des décorateurs et architectes d’intérieur sur le marché est en train d’exploser ». Toutefois, cette compétition est vue d’un bon œil. « Nous avons toujours aimé la concurrence. Le client doit pouvoir comparer en toute liberté. Lorsque la concurrence est saine, c’est définitivement un point positif pour tous. Cela oblige aussi les revendeurs à souvent se remettre en question pour proposer de meilleurs services et produits », s’exprime Sandrine Franchette. « Ce secteur est en pleine évolution et continuera encore comme cela pendant quelques années. Cependant, le marché Mauricien est petit. Il faut, donc, faire attention. Les plus faibles ne résisteront pas. »
Ainsi, le marché est restreint, mais cela n’empêche aux entreprises spécialisées dans le secteur de l’aménagement d’intérieur d’évoluer, sereinement. Pour Olaf Masson, cette concurrence est également positive et force la marque à s’améliorer et proposer des tarifs compétitifs. « Les mauriciens savent ou chercher des produits et n’achètent pas à l’aveugle. Ils comparent. Du coup, nous devons continuellement nous améliorer et ça nous force à évoluer. » La preuve de cette réussite est l’ouverture du deuxième showroom d’Entrepôt de la Pierre à Forbach en janvier. « Durant ces trois dernières années, nous avons eu un belle évolution sur le marché. Donc, de mon point de vue, oui, il y a un boom dans le secteur. »
Cette situation profite aux particuliers et également aux autres professionnels de l’aménagement d’intérieur. « Nous avons accès à un plus grand nombre d’équipements, de surfaces et sols et la qualité des finitions s’est nettement améliorée. Nous sommes loin du simple crépi sur les murs. En somme, nous avons désormais les matériaux nécessaires pour répondre aux demandes innovantes des clients. De plus, les professionnels locaux, les menuisiers par exemple, sont obligés d’apprendre de nouvelles techniques et d’utiliser des nouveaux matériaux afin de rester dans la course. Donc, il y a que du positif », conclut l’architecte d’intérieur, Jason Chelvanaigum.