Dans l’immense désert qui condamne les handicapés mauriciens à l’incapacité, Jean-Marie Bhugeerathee, l’entraîneur des athlètes mauriciens aux jeux paralympiques de Tokyo, entretient l’oasis qui vaut à l’île Maurice sa source de champions handicapés.
Jean-Marie n’a que quinze ans quand il assiste à ce cours animé par deux Hollandais de passage à Maurice. Il y accompagnait sa mère, Hewlett Nelson, femme en fauteuil, et une des responsables de la fédération des handicapés. Il a aussitôt compris que c’est ce qu’il allait faire. De 15 ans à 51 ans, les chiffres de son âge se sont inversés et, dans le domaine du sport, il est parvenu à renverser la situation pour les personnes en situation de handicap.
« Il faut savoir observer », dit-il. Il apprendra à le faire en 2005, à la Victoria Institute of Sports, en Australie. Il réalise que les méthodes d’entraînement ne sont pas les mêmes quand il s’agit de compétition de haut niveau.
Chaque athlète a besoin d’un programme particulier et chacun selon son niveau. « Pour Noémie, c’est très intensif. Quand Anaïs Angeline court, on ne voit pas le handicap. Elle battait déjà les autres filles valides lorsqu’elle s’entraînait à Rose-Hill. Idem pour Denovan Rabaye qui m’a dit qu’il pouvait faire mieux que le gars que je préparais pour le 800m. Je l’ai regardé faire, il l’a battu par près de 200 mètres. C’est énorme», raconte-t-il.
L’observation lui a permis de donner des orientations décisives à leurs carrières. Ainsi, Noémie qui se destinait à la course à pied est toute dubitative quand il lui a recommandé le fauteuil. « Elle n’avait pas réalisé que le fauteuil de compétition est différent de celui de l’hôpital. C’est un bolide dès que l’on travaille bien le haut du corps, les triceps et les avant-bras », nous explique-t-il. De même, Denovan Rabaye réussit sa reconversion de la course au saut en longueur. « Il est déficient intellectuel, mais il aime la compétition. Il a compris qu’il peut réaliser de belles performances et continuer de remporter des compétitions à l’international », explique l’entraîneur.
Ses athlètes s’entraînent six à sept heures par jour. En réalisant des minima, leurs performances leur assurent des primes. « C’est équivalent à un salaire et c’est ce qui me permet de les motiver. Ces jeunes en situation de handicap sont bel et bien aujourd’hui des sportifs professionnels», dit-il fièrement.