Même si l’on a tous envie de croire que l’on a choisi son véhicule pour les meilleures raisons, les plus réfléchies, sans céder aux sirènes de la publicité ou de la mode, la voiture reste un marqueur social fort. Des pulsions irrationnelles interviennent d’ailleurs clairement dans les choix des acheteurs.
Certains analystes, et parmi les plus pertinents, expliquent la montée en gamme du marché automobile mauricien, par la construction des IRS et RES. En d’autres termes, les gens les plus aisés, à Maurice, se contentaient, jusque-là, de voitures assez confortables et relativement performantes, mais pas exubérantes; comme ils se contentaient de maisons relativement agréables, mais d’une architecture souvent fade…
Avec l’arrivée des morcellements de luxe, ils ont accédé à un autre style de vie qu’il était logique de coupler à un «nouveau style de conduite». Et comme, toujours, quand la catégorie sociale la plus favorisée exprime sa puissance par un objet, c’est toute la société qui suit le mouvement! La montée en gamme des véhicules des plus nantis d’entre nous s’est donc traduite par la volonté, généralisée, de rouler dans une voiture plus valorisante et, si possible, plus considérable que celle du voisin… Confortant la voiture dans son rôle social, ce que certains sociologues appellent un «totem».
Vincent Vibert, le GM de Mediatiz, la société éditrice de l’ExpressCars, est un observateur particulièrement bien placé pour suivre ces évolutions.
Un accès au crédit limité
«Cette vocation ‘statutaire’ de la voiture est, c’est vrai, encore très présente à Maurice. Toutefois, tempère-t-il, elle est freinée par des facteurs économiques et financiers évidents. D’une part, le prix des véhicules neufs reste très élevé, d’autre part, l’accès au crédit reste limité et les revenus progressent lentement. Il y a donc un marché de l’occasion très dynamique, qui vient combler les attentes insatisfaites. Notre publication, qui est bi-média (papier et digital) nous permet de le vérifier tous les jours. Les petites annonces que nous publions en ligne font l’objet d’un nombre de consultations absolument stupéfiant, et l’on voit bien, par le renouvellement rapide de ces annonces, que le marché de seconde main est réellement actif.» D’autant que, selon notre témoin, la marge de progression est encore importante. «A La Réunion, il y a 2,5 voitures par famille. A Maurice, on est encore à une voiture par foyer…» Et encore, n’est-ce qu’une donnée purement statistique… Si l’on enlève tous les véhicules d’entreprise, on peut estimer qu’il y a, en fait, 0,3 ou 0,4 voiture par famille mauricienne!
Dans ce contexte de relatif sous-équipement automobile (encore qu’il faudra bien, un jour, se poser la question du nombre de véhicules que notre territoire, aux limites inextensibles, peut absorber…), d’accès difficile au marché du neuf (pour la majorité des automobilistes) et de volonté d’affirmation sociale au moyen du «Totem-voiture», le marché des véhicules «reconditionnés» joue un rôle particulier.
La solution du «reconditioned»
Alors que la revente des «reconditioned cars» avait été autorisée pour permettre aux clients ayant un budget restreint d’acheter une voiture relativement récente et en bon état (plutôt qu’une quasi-épave âgée de plus d’un quart de siècle…), voilà que ce marché intègre, lui aussi, ce souci d’affirmation sociale en important des berlines de prestige, des SUV de luxe… et même des ultra-sportives!
«A La Réunion, reprend Vincent Vibert, on verse souvent dans le surendettement en prenant un crédit déraisonnable pour acheter une voiture au prix trop élevé mais socialement très valorisante. A Maurice, comme le crédit est plus restreint, une solution observée consiste à acheter en ‘reconditioned’, un véhicule plus valorisant que celui que l’on pourrait acheter neuf, avec le même budget.»
Implantée en bordure de l’autoroute du Nord, près de Grand Baie, The Car Connexion a adopté une autre stratégie, en faisant le pari du développement d’un marché de l’occasion des véhicules haut de gamme. Brian Burns, le GM de la compagnie, explique la démarche de sa clientèle par le montant élevé des taxes appliquées à ce type de véhicules: «De par notre situation géographique et notre offre de services, nous touchons de plus en plus une clientèle d’expatriés. Cette clientèle qui, souvent, vient de s’acheter un bien immobilier, souhaite pouvoir s’offrir un véhicule dit ‘Premium’ mais a un prix raisonnable car, comme nous le savons bien, les taxes à l’importation sur les véhicules sont prohibitives.»