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dimanche, novembre 24, 2024

Le bio? A conjuguer au pluriel

Les consciences mauriciennes se réveillent. On veut manger ce qu’il y a de mieux pour la santé! Premier constat, les initiatives individuelles allant dans ce sens se multiplient. Second constat, il semble que l’agroécologie, autre façon d’aborder une culture respectueuse de l’environnement, fasse école. Troisième constat, le bio ne s’est pas structuré autour d’une véritable filière. Pourrait-on rêver à une sorte de coopérative vers laquelle convergeraient les produits bio locaux pour faciliter le choix du consommateur? L’idée n’a pas été émise.

Les agrumes font partie des espèces fruitières cultivées dans Le jardin de Clavet

Les parties prenantes

C’est au début de la décennie 2010 que la tendance bio prend réellement racine dans l’île. Sur le plan de l’antériorité, rendons à César ce qui appartient à César en faisant référence à l’agronome français Daniel Barnasconi, et son épouse Meeta qui ont créé le sillon du bio via leur ferme Agribio (certifiée Ecocert) de Bambous, dans l’Ouest. Outre la possibilité de se fournir directement chez eux, la vente de leurs légumes s’organise aussi dans le jardin du centre commercial de Cap Tamarin, chaque samedi matin. L’autre acteur incontournable du bio, c’est bien évidemment Géraldine d’Unienville,- ayant démarré d’ailleurs avec la ferme Agribio – et son Vélo Vert né en 2012, qui s’est fait notamment connaître en mettant sur pied la livraison hebdomadaire de légumes dès 2013. FORENA – Fondation Ressources et Nature qui oeuvre dans des domaines autres que l’agriculture -, sur fond de corrélation entre certaines maladies et ce qui est mangé à Maurice, a créé un partenariat avec l’UNDP -Programme des Nations Unies pour le Développement – “dans le but de proposer une alternative à l’agriculture conventionnelle chargée en intrants chimiques”, avance son président, Manoj Vaghjee. La Chambre d’Agriculture, un organisme privé représentant notamment les sucriers, lesquels ont diversifié leurs activités, aussi dans le maraîchage, a lancé sa Smart agriculture en 2015. “L’idée de ce programme vise à accompagner des producteurs, gros et et moins gros, dans leur transition agro-écologique, sur la base d’un véritable accompagnement conseil et technique”, explique Jacqueline Sauzier, sa directrice. Quant au ministère de l’Agro-industrie, via son bras, le FAREI – Food and Agricultural Research ans Extension Institute -, il a lancé en mai 2016 son Bio-Farming, projet qui ambitionne d’encourager le développement du bio à échelle commerciale et de faire basculer 50% de la production maraîchère et fruitière locale, en bio, d’ici 2020. En juin 2018, le Ministère a, par ailleurs, publié une offre de soutien pour couvrir les frais d’une année de certification pour une centaine de nouveaux candidats en agriculture biologique. Leur sélection est actuellement en cours.

Pousses de salades dans la pépinière du Vélo Vert sur son site de Chamouny

Qu’entendre exactement par bio?

Outre ces actions, on assiste à un véritable phénomène d’émergence d’initiatives privées tournées vers le bio via la naissance de micro fermes agricoles. Ce qui illustre bel et bien la volonté des Mauriciens – surtout portés par la jeune génération – de changer leur mode de consommation, la conscience des dangers encourus par les sols, et en conséquence leur santé, s’aiguisant. Parmi l’offre, en grande surface, sur les étals des marchés fermiers, en boutiques spécialisées…, à quels producteurs et types de produits peut se fier un consommateur soucieux de sa santé? Tout d’abord, rétablissons une vérité selon laquelle bio signifierait exempt d’intrants. Le bio, c’est avant toute chose un cahier des charges à respecter, différent selon chaque pays, mais permettant de faire usage de certains types de pesticides et de fongicides, au dessous de la teneur exigée et établie, justement, par ce cahier des charges. Mais pour bénéficier d’un minimum d’éclairage, outre la confiance accordée au producteur du coin qu’il connaît, le consommateur peut au moins se fier aux labels certifiant la qualité des produits issus de pratiques culturales respectueuses de l’environnement.

Cultures bio du Vélo Vert sur le site de Chamouny

Signification des labels

Ecocert, une certification européenne aux normes différentes qu’AB par exemple, typiquement française, règne en maître dans l’île. C’est au partenariat noué entre FORENA qui informe les planteurs de cette opportunité qui leur est offerte (et les forme) et le Fonds de Développement des Nations Unis qui finance les demandes de certification – à partir de 2500 euros selon la superficie de la surface cultivée – que 21 sites agricoles à Maurice, (Rodrigues compris) ont obtenu la certification Ecocert. Ces sites sont audités une fois par an, sur une date décidée, par un représentant du label. Donc, bien qu’elle ne signifie pas zéro chimie, Ecocert permet d’avoir un minimum de garanties pour savoir ce que l’on met dans son assiette. Autre cas, avec son label Qualité Agro-Ecologique, inpliquant semences non traitées et zéro chimie de synthèse, Le Vélo Vert, lui, a son propre label de qualité audité par Organic Farmers of Mauritius, une plateforme regroupant dix fermes qualité (Ti Legumes Bio, Bois Chandelle, Seaside Orchards, Otarkia, Feuilles et Fleurs, Forena, Ewen, Le Potager de Melrose, Caritas, Preetam et Rohit). Parmi elles, cinq sont certifiées Ecocert. Elles fournissent les légumes de Vélo Vert qui, pour rappel, distribue 270 paniers par semaine, via son camion, ses deux boutique et ses points de distribution. “Nous sommes instransigeants sur la qualité; cela veut dire que si nous n’arrivons pas à faire venir un légume en bio, éh bien nous ne le proposerons pas. Pas question de faire du demi-bio”, appuie Géraldine d’Unienville. Autre approche, autre méthode, Julien Boulle, un agronome français spécialisé en agriculture tropicale, installé sur 7 hectares dans l’Est de l’île, à 5 mn du Domaine de l’Etoile, fait de l’agroécologie, c’est a dire une méthode qui adapte ce qui cultivé à l’environnement naturel initial. Ce dernier a fermement l’intention de ne pas demander de certification Ecocert tout en proposant des herbes, fruits et légumes totalement exempts de pesticides, insecticides ou autres produits chimiques. « Parce que nous produisons avec zéro chimie, nous ne voyons pas l’utilité d’être associés à ce label. Notre but: produire du sain et réduire l’écart entre le producteur et le consommateur. Pour autant, je ne dénigre pas l’agriculture biologique, je trouve que cela a énormément contribué à faire évoluer les consciences des agriculteurs, certes, mais aussi des consommateurs. Le problème c’est d’éviter les amalgames, car l’on peut aujourd’hui mettre en place des méthodes nous permettant de nous affranchir de la chimie de synthèse. Proposerait-on demain un label d’agroécologie, je trouverais que cela reviendrait à rigidifier une méthode visant à s’adapter à l’environnement naturel et donc, supposant de la souplesse». Ses fruits et légumes sont confiés à Farm Basket, producteur de bio à Saint-Julien d’Hotman, mais qui distribue pour le compte de tiers des produits issus de l’agriculture raisonnée également.

Session de formation sur le terrain

Structurer la filière et former

Paniers livrés à domicile, dans ses propres boutiques comme le Vélo Vert, étals des marchés fermiers, ou directement chez le producteur, le bio est loin d’être organisé en filière, chaque producteur se débrouillant, déjà pour se faire (re)connaître, insuffler la confiance pour fidéliser le consommateur en lui offrant des garanties sur la qualité de ses produits, et trouver le moyen de les distribuer. Force est de reconnaître que, parmi toutes les initiatives individuelles, le Vélo Vert est celle qui a su structurer son affaire. Producteur, il maîtrise aussi sa chaîne de distribution, formateur, il s’implique également dans la recherche&développement. L’entreprise est allée loin dans sa démarche d’acteur du bio majeur en fédérant dès 2015 le FAREI pour mettre sur pied le programme EMBEROI – Expansion en Maraichage Biologique avec Expertise Régionale Océan Indien – en 2016. Ce programme de formation conduit avec le soutien de spécialistes réunionnais donne l’opportunité à dix exploitations mauriciennes, de se former aux pratiques de la culture bio. Socle essentiel pour anticiper le départ à la retraite de toute une génération d’agriculteurs et d’initier les jeunes à des méthodes culturales plus respectueuses de l’environnement, le Vélo Vert a sa ferme école et contribue à une plateforme d’insertion professionnelle pour les stagiaires de l’University of Mauritius et Mitd (école technique agricole) en s’appuyant sur son réseau Organic Farmers of Mauritius. Tout comme FORENA a monté à Calebasses son centre d’excellence d’agriculture bio en formant les planteurs, les ONG et les particuliers. « Maintenant, au même tire que nous voulions prouver qu’il était possible de trouver une alternative à l’agriculture conventionnelle par le bio, nous voulons maintenant démontrer que l’agroécologie est tout aussi faisable dans notre île», selon le président. C’est ainsi que 141 planteurs ont reçu en octobre dernier, une formation en agroécologie par le spécialiste caribéen Georges Félix et financée par le Fonds de Développement des Nations Unies.

Lors de la mission des experts réunionnais dans le cadre d’EMBEROI initié par Géraldine d’Unienville

Tous au bio en 2020?

Statistic Mauritius a établi pour 2017, 110 000 tonnes de fruits et légumes produits à Maurice, sur la base de chiffres fournis par la Chambre d’Agriculture et le FAREI, – dont sont étrangement exclus ceux issus la production sous serre. Sachant que les surfaces dédiées au bio sont actuellement de l’ordre de 20 hectares, sur les 4000 répertoriés pour la culture des légumes et des fruits…  Cela veut dire que nous devrions produire 60 000 tonnes de bio dans un peu moins de 3 ans alors que ces 20 hectares ne représentent même pas 1% de la production annuelle; une projection totalement utopique”, selon Jacqueline Sauzier. Même s’il y a encore de la place pour de nombreuses initiatives bio, Manoj Vaghjee n’envisage pas non plus une île 100% bio, car intrinsèquement, le bio va à l’encontre de la production de masse. Si le climat est un facteur déterminant pour les cultures, la qualité de la terre également. Une terre qui, on le sait, est meurtrie par le déversement inconsidéré de produits chimiques pendant des décennies. Et pour faire du bio, la terre doit d’abord observer une période de jachère, pour se purger, avant d’être considérée de nouveau apte au service.

Aurore Rouzzi au milieu de l’une de ses créations, un potager bio

Pourquoi ne pas commencer chez soi…

Parmi toutes les initiatives personnelles, pourquoi choisir de mettre en lumière celle d’Aurore Rouzzi? Parce que Sensibio, l’entreprise de service créée par la jeune française sensibilise, forme et accompagne tout public vers la démarche bio.“Dans tout ce que je fais, il est essentiel que la pratique accompagne la théorie”. C’est ainsi qu’elle intervient pour créér des potagers à domicile, animer des team-buildings en entreprise. Si d’aventure, il vous prenait l’envie de recourir à ses services, sachez que tous ses weeks-ends sont pris jusqu’à la fin de l’année chez les particuliers, extrêmement friands de jardins potagers bio. Sensibio a donné naissance à une seconde entreprise, Vert deux mains, associant les compétences d’Aurore, de Ravi Rambujoo de Farm Basket et d’Anya Benoit, nutritionniste-diététicienne. Elle a pour objet, certes, de valoriser l’agiculture bio, d’informer sur les bonnes méthodes de culture, mais aussi sur la façon de cuisiner les légumes bio pour consommer leurs nutriments. “Le chimique est quand même bien ancré dans les mentalités et ce sont les jeunes qui vont faire la bascule vers le bio”, résume Aurore Rouzzi. Aurait-elle tout dit?

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