Découvrons d’abord ce que les showrooms de décoration réservent à nos terrasses, comment les textiles font preuve de style et le mobilier de cachet… Puis, intéressons-nous à l’architecture, en partageant les propos de futurs professionnels formés par l’ENSA Nantes-Maurice sur la place et l’influence du multiculturalisme dans la maîtrise d’ouvrage. Delphine Raimond
Sur une île entièrement dépendante de l’acheminement de marchandises par les airs et les flots, effectuer un tour d’horizon des nouveautés en matière de déco et mobilier d’extérieur est une gageure. Oui, les nombreux magasins spécialisés ayant pignon sur rue œuvrent ardemment pour nous offrir leurs lots de nouvelles collections, elles-mêmes inspirées des nouvelles tendances internationales, mais non, il n’est pas évident de repartir avec, puisque lesdites marchandises ne sont pas toujours disponibles. Pour cause ? Les agissements quelque peu déloyaux des compagnies maritimes usant et abusant du pouvoir de réduire l’espace de stockage, d’en augmenter le tarif, ainsi que le circuit des bateaux, et donc le temps de trajet (parfois rallongé de plusieurs semaines). Pour meubler, aménager, redécorer… il nous faut donc, en plus de déployer une certaine capacité de projection, s’armer de patience, afin de garder le sourire quant aux délais de livraison annoncés. Ceci étant dit, nombre de showrooms proposent aujourd’hui une immersion réussie dans tous les univers d’ameublement et de décoration, permettant de probantes perspectives sur le résultat escompté. Et ça, c’est déjà une petite révolution dans l’accomplissement de nos projets !
Choix, stock et tendances
Pour être certain de trouver le bon modèle et le stock garanti – atout majeur, donc – sur un maximum de produits phares, direction Plaisir du Jardin, sur la route royale à Pointe aux Canonniers. Pourtant très occupé, Maxime Gonin, le directeur des lieux, me reçoit promptement pour lister quelques-unes des nouveautés très prochainement en place dans le showroom. Si les lourds soucis de livraisons auxquels les enseignes font face depuis la reprise post-Covid continuent de le contrarier, Maxime me confirme que plusieurs containers chargés de marchandises approchent des côtes mauriciennes. À la bonne heure ! L’un d’entre eux contient quantité de parasols conçus de manière à la fois esthétique et durable. « Ici, malgré le vent, beaucoup ouvrent les parasols quotidiennement. Évidemment, ils tombent, se cassent et on les jette ! », déplore Maxime, avant de revenir sur le nouveau modèle Plaisir du Jardin, intitulé Azur. En toile Sunbrella Marine ultra résistante, les parasols déportés et leur base de 90 kg (en granit et sur roulettes) sont pivotants, inclinables et… réparables ! Toile, baleines, mécanisme et autres pièces sont non seulement entièrement changeables, mais surtout en stock ! À ce propos, notons que la quantité commandée en une fois contribue incontestablement à réduire l’empreinte carbone. Bien moins chers que les produits similaires importés précédemment de Belgique, ils présentent une qualité incomparable, deux versions (Azur et Belize, le classique), deux coloris (blanc et anthracite) et de belles dimensions, 3 m x 3 m.
Ensuite, la collection de salon de jardin Heaven, ultra chic, tout en rondeur et en douceur, mélange trois matériaux (une structure en alu, des piètements avant en tek massif et un habillage en cordage) et se décline au complet : canapé, table à manger, table basse, fauteuils, chaises, élégants lits de soleil. « Les matelas sont épais et accueillants ; la demande est au confort, en plus de la qualité, et la tendance aux lignes rondes qui ont remplacé le rectiligne et les angles droits. » Enfin, impatient et fier, Maxime pointe une collection de pièces de caractère aux lignes fluides intitulée Cloud : « Elle compte de superbes tables basses et de repas, originales et exclusives ! » Conçus en microskin, le nouveau matériau similaire à la pierre naturelle, lié au ciment et à la résine, ces meubles d’extérieur sont imperméables, robustes, faciles d’entretien, en plus d’être élégants et pratiques, avec leur pied central.
Le design est bel et bien aux formes rondes et organiques, à la céramique, toujours actuelle car facile à vivre, et à l’alu, seul matériau à ne pas rouiller à Maurice. Si le bois ne recueille plus les mêmes faveurs de la clientèle, le tek massif – fer de lance de l’enseigne – reste lui toutefois d’actualité, se mariant parfaitement avec un mobilier contemporain, indoor/outdoor. Selon Maxime, « le sujet du tek reste néanmoins délicat à aborder, puisqu’on en trouve partout et à tous les prix… Normal, s’il ne s’agit pas de vrai tek massif » ! Quant aux coloris, exit le gris, le blanc, le classique… Place aux tons sable et naturels, ou au très tendance vert cactus, que l’on retrouve dans les luminaires Fermob, par exemple. Côté déco, de nombreux objets et sculptures débarquent bientôt, ainsi qu’une gamme de tapis d’extérieur. Ils complèteront les articles en magasin signés de grands noms, comme les vases Henry Dean, coup de cœur de La Gazette Mag, en verre recyclé et soufflé à la bouche, ou encore les imposantes bougies en cire naturelle de l’entreprise belge Mon Dada, qui emploie un personnel 100 % féminin.
Un guichet unique à Maurice
Pour s’enquérir des bons conseils de professionnels de la décoration et de l’aménagement, rendez-vous au Pinpoint Business Park de Calebasses. Réunissant sous le même toit un maximum d’enseignes, le site se dédie aux architectes, aux décorateurs, aux professionnels de la construction et promoteurs immobiliers, aux hôteliers… mais aussi aux particuliers, en quête d’idées et de solutions.
Parmi les fournisseurs présents, Décosoleil est au service de ses clients à Maurice depuis plus de deux décennies, pour habiller l’indoor comme l’outdoor de ses tissus en acrylique de grande qualité pourvus d’un choix presque infini de coloris et motifs. Cinq personnes composent l’équipe locale et Émilie vous accueille dans le spacieux showroom, pour vous renseigner avec maîtrise. Plusieurs collections sont proposées, dont les toiles de la marque américaine Sunbrella ; l’enseigne en est le revendeur exclusif. Dans ce grand espace, peu de mobilier, mais un grand nombre de nuanciers et des échantillons d’étoffes en grand format, permettant de mieux visualiser le résultat. Dédiés à l’ameublement, aux coussins, tentures, voiles, tapis ou stores d’ombrage… tous les tissus sont garantis 5 ans contre les UV, taches, moisissures, et résistent à la javel, « tout simplement parce qu’ils sont teints avant d’être fils ». Imperméables, certains sont mêmes traités pour réduire la chaleur, en faisant gagner jusqu’à 16°. Comptez un délai de quatre à six semaines pour revêtir un sofa et environ deux semaines pour un bean bag ou des coussins. Deux nouvelles collections, aux grammage et tissage différents, me sont présentées et Émilie me précise avoir du stock sur la gamme European, pour le plus grand bonheur des clients. Je découvre également une très belle sélection écologique et circulaire, puisqu’il s’agit de recycler les fils inutilisés. Un peu plus chères mais de très belle facture, lesdites étoffes sont issues d’un laborieux travail artisanal et répondent à des normes écoresponsables ne faisant intervenir aucun produit chimique dans le processus. Décosoleil travaille avec des garnisseurs professionnels, tous installés dans les Hauts.
Je poursuis ma quête de nouveautés chez Euphoria, consacré à la décoration et à l’ameublement d’intérieur et d’extérieur, qui a quitté le Mont Choisy Mall il y a plus d’un an pour s’installer au Pinpoint. Aurélie me fait découvrir, en exclusivité, quelques pièces tout juste sorties des cartons : une immense table ronde d’extérieur, en fibre de pierre (pour un rendu naturel), dotée d’un imposant pied en arrondi surmonté d’un beau plateau de 160 cm de diamètre et accompagnée de chaises en tek, noires ou aux tons naturels, tout en courbes et arrondis… corroborant la tendance de la saison. Le showroom est agréable, bien aménagé et propose, entre autres, des accessoires originaux. Petit tour chez Charabia, pour le plaisir, où je suis accueillie par la pétillante responsable du magasin. Désormais implantée dans la zone industrielle de St Pierre-Moka, l’enseigne de décoration y bénéficie d’un tout nouveau showroom de 500 m2. Consacré à l’indoor comme à l’outdoor, Charabia réalise vos projets d’ameublement, au travers d’une gamme de tapisseries signées de grands noms et de tissus décoratifs haut de gamme, provenant principalement d’Europe, d’Afrique du Sud et de Thaïlande. Nombre d’hôtels et entreprises ont fait appel à cette filiale d’Associated Textiles Services Ltd, le leader de la fourniture et de la fabrication de linge de maison à Maurice. Anciennement Indoor & Outdoor Living, Charabia a plus de 20 ans d’expérience sur le marché local. Au même endroit, je retrouve quelques-uns des luminaires de Metalite, réalisés sur mesure et inspirés de grands designers internationaux. Respectueuse de l’environnement, la marque experte dans l’éclairage priorise depuis sa création en 2006 la durabilité des produits : alu, ciment, résine, verre, bois… et travaille avec quantité d’architectes et décorateurs – à Maurice et aux confins de l’océan Indien. Chez Raymark, ou l’art de vivre sous les tropiques, les matériaux proposés – teck, rotin synthétique, sling, aluminium, polypropylène – sont à la fois esthétiques et résistants, pour s’adapter au climat tropical de l’île, gorgé de soleil, vent, pluies et humidité. Vous serez séduits par les coloris safran, brique… ou les teintes plus acidulées. Raymark fournit les hôtels et établissements en mobilier, parasols, transats, hamacs, depuis plus de dix ans et vend également billards et babyfoots. Spécialisé dans la conception de bean bags, poufs, fauteuils poire, matelas de piscine… Cozy bag présente plusieurs modèles, coloris et formats (allant jusqu’au XXL) qui allient confort, style et durabilité. Les textiles de grande qualité sont choisis pour être confortables, respirants, élégants, imperméables et abordables.
Autour de Grand Baie, la liste des adresses est longue, alors pour dénicher la pépite, moduler vos espaces, agencer vos terrasses… programmez votre circuit et succombez à vos envies ! Entre autres, visitez Macumba, fondé et dirigé par Catherine Giraud. Pionnier dans le domaine de la décoration à Maurice, avec ses trois décennies de présence, l’incontournable propose des pièces en nombre limité qui apportent aux espaces contemporains et standardisés une véritable identité. De son côté, Moodesign, maintenant installé dans son showroom à The Vale, au bord de la M2, expose ses meubles indoor/outdoor, ainsi qu’un choix de luminaires d’extérieur, articles de décoration, jolie vaisselle, bougies… dans un bel espace vitré et lumineux. La charmante Anne-Sophie vous accueille et vous renseigne, tout sourire, dans ce lieu où le tek a toujours le vent en poupe ! En termes de récent arrivage, vous trouverez des sets composés de fauteuils d’une, deux ou trois places et déclinés en deux modèles très différents : Bern, en tissu noir et Design, en revêtement blanc. Une sélection de lampes solaires très contemporaines, de toutes tailles et… en stock. Une charmante petite table d’appoint, ronde et originale, car solaire, elle aussi.
Nos architectes de demain
Sans transition, ou presque, il m’a semblé intéressant ce mois-ci d’approcher ces acteurs au cœur de la construction, la réhabilitation, l’adaptation des paysages et des édifices publics ou privés, à usage professionnel, industriel, commercial ou d’habitation… Le rôle de l’architecte est de répondre aux attentes de chaque usager, en veillant au respect de l’intérêt collectif ; son concours est obligatoire pour l’établissement du projet.
Au sein de l’ENSA Nantes-Maurice, des enseignants mauriciens et français, riches d’expertises diverses, nourrissent chacun des projets architecturaux (placés au cœur de la formation) des étudiants. « Chaque semestre permet d’explorer des thématiques variées stimulant notre créativité, me confie Tom Girard, étudiant en Bachelor 3 – Architecture & Urbanisme. Les voyages d’études en Inde ou à Madagascar nous initient à une compréhension de l’architecture mondiale, tandis que les projets locaux à Maurice permettent d’ancrer une réflexion dans les réalités concrètes de l’île, préparant ainsi notre rôle d’architecte de demain ».
Je l’interroge alors sur l’intégration du multiculturalisme de notre territoire, aux confins de l’Afrique, de l’Asie et de l’Europe, dans lesdits projets locaux. « Sur l’île, le multiculturalisme est une richesse, mais en architecture, cette diversité se perd, face à l’omniprésence du béton, dont l’approvisionnement est facile et le coût relativement bas. » Bien que néophyte, je constate comme beaucoup que les réalisations, en plus d’être très bétonnées sont résolument très européanisées. Comment pourrait-on, en ce cas, exploiter ladite richesse multiethnique ? « En été, il fait chaud et la climatisation remplace la ventilation naturelle. L’île pourrait s’inspirer des techniques de pays aux climats similaires, comme l’Inde ou l’Asie du Sud-Est, avec des matériaux comme la terre cuite ou le bambou, en incorporant des dispositifs bioclimatiques. Mon voyage à Chennai, axé sur les techniques architecturales traditionnelles et vernaculaires, m’a fait prendre conscience de l’importance du savoir-faire local dans les choix des matériaux et leurs fonctionnalités. » Face au ciment et aux parpaings, terriblement énergivores, il convient évidemment de privilégier des éléments naturels à forte inertie thermique (donc très isolants) qui conservent la fraîcheur, tels que le bois, la pierre, la brique, la paille et certains types de béton… Pour Tom, « l’émergence de filières locales et renouvelables de matériaux de construction pourrait être une solution ».
Autre cheminement conceptuel, conforme aux principes fondamentaux de santé et de bien-être, l’architecture biophilique introduit la (notion de) nature dans les espaces de vie et de travail. Emmanuel Marchand, étudiant en Master – Architecture & Urbanisme, nous éclaire sur le sujet : « Répondant au besoin inné de connexion à l’environnement naturel, cette approche enrichit les espaces d’une dimension sensorielle, en stimulant les sens. Les matières naturelles comme le bois et la pierre encouragent le toucher, tandis que lumière et ombrages créent des atmosphères changeantes. Les architectes y associent plantes vivantes, jardins et senteurs pour offrir une expérience immersive et nourrissante. À Maurice, cette vision trouve une expression forte. Jardins intérieurs, murs végétalisés et toits verts s’intègrent harmonieusement dans le paysage, inspirant sérénité et bien-être. L’Institut Français de Maurice à Rose Hill, signé par Gaetan Siew, est un exemple vivant de cette architecture sensorielle et apaisante. »
L’architecture durable, dans la généralité du terme, tient compte de l’interaction entre le climat et l’écosystème, promeut l’intégration de l’environnement dans les constructions (et vice et versa) et prône les réalisations susceptibles de contrer une production énergivore. Mais pourquoi n’est-elle pas encore totalement rentrée dans les pratiques locales, aux quatre coins de l’île ? Pour me répondre, Fatima Martin, consultante en Permaculture, Bio-climatic design and Natural Materials Construction : « Il existe assurément un intérêt général à trouver des alternatives plus durables. Selon moi, les résistances et réticences sont basées sur deux facteurs : la condition cyclonique et la disponibilité des matériaux, en raison de l’insularité. Le point clé vers la transition serait d’une part la recherche technique, pour garantir la validité de nouvelles solutions contre les cyclones, les fortes pluies, etc., et d’autre part, le développement de nouveaux modèles économiques pour le secteur de la construction, axés sur les besoins locaux et les matériaux renouvelables. »
Souhaitons que dans leurs futures missions, nos promoteurs, constructeurs et autres opérateurs du bâtiment, progressivement enclins à s’engager dans les préoccupations environnementale et sociale, fassent poindre une culture architecturale mauricienne !