Le 17 juillet 1767, le nouvel intendant de l’île de France accoste à Port-Louis. Un homme audacieux qui connaît bien cette île aux plantes issues de contrées lointaines. Un chasseur d’épices au patronyme évocateur quant à ce que lui réservait le destin alors qu’il faisait route vers l’Orient pour l’évangéliser. La route vers l’Est se dévoile, retour sur la vie de Pierre Poivre.
En 1741, un prêtre missionnaire embarque à destination de la Chine et la Cochinchine, Sud de l’actuel Vietnam. L’évangélisation de l’Empire du Milieu commence. Toutefois, après des semaines de voyage et des mois de travail, le jeune Pierre est intrigué par tout autre chose. Les épices présentes dans cette contrée du globe lui sont méconnues. À bord du Dauphin qui le ramène sur le vieux continent quatre ans plus tard, Pierre Poivre est tout à l’excitation de partager ses trouvailles.
Il quitte les ordres pour la botanique
Malheureusement, la perfide Albion gâche la fête. Les Anglais attaquent le vaisseau par surprise. Pire, un boulet ennemi arrache la main droite de notre missionnaire. Débarqué à Jakarta en tant que prisonnier, Pierre Poivre panse ses plaies et contemple les riches cargaisons emplir les cales des bateaux et les poches des Hollandais. Une chasse gardée des Bataves que ces précieuses épices si appréciées en Europe… Par ce tragique destin, son rôle dans les ordres s’achève au profit d’un autre sacerdoce, celui de botaniste.
Ainsi, il retourne plusieurs fois en Orient afin de parfaire sa connaissance des plantes et, pourquoi pas, y dérober quelques espèces. Le monopole hollandais vole en éclats. Clandestinement et à l’aide de la Compagnie française des Indes orientales, muscadiers, girofliers et de singulières plantes sont subtilisés et emportés vers l’île de France. Ces marchandises valent de l’or et possèdent même des vertus médicinales. L’Europe du XVIIIème siècle apprend que la noix de muscade peut servir d’antiseptique!
C’est ainsi que Pierre Poivre commence à se faire un nom dans le négoce et la diplomatie. En 1766, il est désigné intendant des îles Bourbon et de France, les îles sœurs de l’océan Indien qu’il rejoint l’année suivante.
Il poursuit l’œuvre de Mahé de Labourdonnais en s’adonnant à sa passion
Là-bas, il marche dans les pas d’un illustre gouverneur. En effet, Poivre poursuit la politique de Mahé de La Bourdonnais et améliore le visage de Port-Louis. Pendant cinq ans, il travaille à l’expansion française au sein de l’océan Indien et peut s’adonner à sa passion. Il glorifie son château de Mon Plaisir niché dans le jardin de Pamplemousses qui déborde de ses découvertes orientales.
Contemporain de Bernardin de Saint-Pierre, les deux hommes se rencontrent à plusieurs reprises. Et ce que le célèbre auteur apprécie le plus chez Pierre Poivre… c’est sa femme. D’aucuns diront que cette romance fut dévoilée à mots couverts dans le roman Paul et Virginie.
Mais ce personnage est décidément atypique. Outre sa position anti-esclavage, le botaniste continue ses expéditions. Au cœur de l’Indonésie, les îles Moluques voient naviguer cet aventureux épris d’aromates dont l’île de France, mais également Bourbon et les Seychelles ne tarderont pas à bénéficier des parfums.
Après cinq ans de service et jusqu’au soir de sa vie, Poivre s’entoure de ses passions et mène une vie paisible à Lyon. En 1786, il meurt dans sa ville natale, lui l’explorateur oublié de tous. Aujourd’hui, seul un jardin botanique majestueux rappelle son héritage, racine de sa mémoire.
Vous voulez en savoir plus ?
Le découvreur Pierre Poivre a consigné notes et analyses de ses voyages fructueux. Revivez son parcours et sillonnez une époque où chaque expédition pouvait être la dernière. Son lointain parent, le non moins célèbre journaliste français Patrick Poivre d’Arvor, signe la préface de l’ouvrage en fin connaisseur de l’homme et de l’île Maurice.