A ce jour, il n’existe ni label de certification biologique ni organisme certificateur à Maurice. Néanmoins, certains agriculteurs ont lancé leur cultures bio depuis quelques années et proposent des produits certifiés aux Mauriciens. Ils nous donnent leurs avis sur l’agriculture à Maurice et sur les actions à mener afin d’atteindre l’objectif fixé par le gouvernement. – Photos: Le Vélo Vert
«La majorité des agriculteurs Mauriciens pratiquent l’agriculture conventionnelle et ce n’est qu’une petite poignée qui pratiquent d’autres méthodes d’agriculture tels que la permaculture, le zero budget natural farming ou encore l’agriculture 100% organique », indique Géraldine d’Unienville, présidente de Le Vélo Vert. Cette association a pour objectif de conscientiser les planteurs conventionnels des bienfaits de se tourner vers l’agriculture bio. Elle aide également les petits producteurs bio à faire connaître leurs produits auprès des consommateurs. Principalement, l’association propose à ses adhérents, sur une base hebdomadaire, des paniers garnis de produits provenant de fermes agricoles certifiées biologiques. Environ 250 familles achètent des produits via l’association chaque semaine. Devant la demande croissante pour les produits bio, l’association s’est récemment mis à la production.
Selon Géraldine d’Unienville, environ une quinzaine d’arpents sont répertoriés sous agriculture biologique à Maurice. Ils seraient une une douzaine de planteurs regroupés sous des associations, ayant obtenus la certification de la part de l’organisme de contrôle et de certification international Ecocert. Il existe également quelques agriculteurs indépendants certifiés Ecocert, qui en font leur activité première ou secondaire. La plupart des légumes vendus par Le Vélo Vert proviennent des champs certifiés sous la Fondation Ressources et Nature (FORENA), qui s’est engagé dans production de légumes bio depuis 2010. Aujourd’hui, grâce à l’initiative de FORENA, 16 sites, dont Maisons Familiales Rurales et autres APEIM, ont la certification bio Ecocert pour leur production de légumes.
Pour Manoj Vaghjee, président de FORENA, le gouvernement devrait se concentrer sur la mise en place d’une certification et d’un label bio à Maurice. « L’agriculture raisonnée a été arrêtée à l’île de la Réunion, car ils ont trouvé que cela n’avait plus de sens pour eux. Je trouve que c’est dommage que Maurice continue à mettre en place des choses qui ont été rejetées par les autres. Bien sûr, c’est une bonne démarche de la part du gouvernement, mais nous pouvons faire mieux et faire de la place pour une agriculture aux normes internationales. » Selon lui, l’agriculture raisonnée comporte ses risques, car il faut avoir un vrai contrôle. Tout comme pour l’agriculture bio qui ne peut exister sans un cahier des charges strictes et une réglementation spécifique. Au cas contraire, tout le monde peut dire que ses produits sont bio.
Le bio viable à Maurice ?
« Si vous entendez par agriculture bio une agriculture sans intrants chimique, oui le projet est viable et nombreux exemples sont là pour nous le prouver. Sur notre île avec quelques de nos pionniers et au niveau régional avec Madagascar et l’île de la Réunion. Concernant la culture intensive sur plusieurs dizaines d’arpents, le Maroc, la Russie et la France nous offre suffisamment d’exemples vivants », affirme Géraldine d’Unienville. Par contre, elle indique que le temps de conversion de certains champs mauriciens, ayant été soumis à des anciennes pratiques, doivent d’abord respecter une période de jachère pour se nettoyer des intrants reçus et profiter de cette période pour se « rengraisser » naturellement avec des couverts végétaux adéquats. « Durant cette période de transition, la participation du gouvernement est une aide précieuse pour atteindre l’objectif ».
Cependant, Jacqueline Sauzier explique que l’agriculture bio à Maurice ne semble viable qu’à petite échelle. « Si nous souhaitons produire des fruits et légumes pour nourrir toute la population, il sera nécessaire de travailler sur des superficies plus grandes. Les difficultés de ce changement d’échelle nous amène à faire, dans un premier temps, de l’agriculture raisonnée. Cette agriculture, dans les systèmes actuels, permet une adaptabilité plus facile à certains principes de l’agriculture biologique tout en rassurant le producteur. » C’est le cas avec le projet Smart Agriculture « La première phase de ce projet s’est finie en janvier 2016. Elle nous a permis de faire un état des lieux des pratiques agricoles actuelles et de proposer des solutions pour les améliorer. La deuxième est la mise en œuvre de certaines de ces recommandations apportées suite à la première phase. Elle devrait commencer très prochainement avec la constitution de deux réseaux d’une dizaine de fermes, un géré par le FAREI et l’autre par la Chambre d’Agriculture. Le but est de montrer, sur des échelles différentes, le fonctionnement et la performance de l’agriculture raisonnée. »
Manoj Vaghjee ne nie pas que l’agriculture bio demande du temps et un gros investissement initial, ce qui peut facilement décourager les agriculteurs. « Quand on veut faire du bio, il n’est pas possible de faire des productions en masse. En plus de cela, on ne pourra pas faire de l’agriculture bio partout à travers l’île. La production se fait en fonction de la terre et du climat. Il faut comprendre que certains terrains mettront très longtemps à se remettre des doses de pesticides et de produits chimiques absorbés. Aussi, certains produits devront être cultivés sous serre. Donc, cela demande des investissements. »
En effet, la situation de l’agriculture à Maurice est plutôt négative. Les terres sont affaiblies et les sols sont appauvris de par l’absence des microorganismes. « Le plus gros souci c’est l’usage irresponsable des pesticides et des engrais chimiques. Cependant, la population commence à être de plus en plus conscientisée. A travers les ateliers de sensibilisation organisés par certaines associations et par le ministère de l’Agriculture, nous voyons une hausse du nombre d’agriculteurs voulant passer de l’agriculture conventionnelle à l’agriculture organique », indique la présidente du Vélo Vert. Donc, il y a de l’espoir. « Il nous a été donné de constater à quel point un sol a la capacité, avec le temps, de se régénérer des qu’il est remis dans de bonnes conditions. Cela a été constaté à plusieurs reprises sur des fermes de l’île de la Réunion, récemment converties en culture organique. »
Ensuite, vient la partie certification. Aujourd’hui, une certification Ecocert peut coûter entre 2 500 à 6 000 euros par site de production. C’est la raison pour laquelle, FORENA a créé une plateforme où la certification est donnée à la fondation. Chaque site certifié paye un pourcentage selon la superficie du terrain et le temps que l’auditeur passe sur le site. « Nous nous battons pour avoir une certification et un cadre légal. Définissons les choses clairement. Il ne faut pas se limiter avec le MauriGap qui n’est reconnu par personne au monde. Pourquoi ne pas viser plus haut et créer une certification reconnue à l’international », demande-t-il.
Nous nous battons pour avoir une certification et un cadre légal. Définissons les choses clairement. Il ne faut pas se limiter avec le MauriGap qui n’est reconnu par personne au monde. Pourquoi ne pas viser plus haut et créer une certification reconnue à l’international