« L’expression même premier amour, par définition, signifie quelque chose qui est appelé à finir »
Ludovic Fleury est orphelin et vit chez son oncle Ambroise. Lui le « facteur timbré » amateur de cerfs-volants pittoresques. Ludo possède une « mémoire historique » et n’oublie pas les amours adolescentes avec Lila, une jeune aristocrate polonaise. Une idylle estivale dont la Seconde Guerre mondiale viendra les séparer. L’Allemagne envahit la Pologne. Ludo n’a plus qu’à l’imaginer.
Une imagination débordante et des fantasmes que la réalité rétablira. Que cela soit la France ou Lila, tout a changé. Le nazisme pousse parfois au pire et incitera un protagoniste à avouer que « le blanc et le noir, il y en a marre. Le gris, il n’y a que ça d’humain ».
Le livre est dédié « À la mémoire ». Un message sibyllin qui à l’aune du 2 décembre 1980, prend tout son sens. Les cerfs-volants est le dernier roman publié du vivant de Romain Gary.
L’unique double lauréat du prix Goncourt
Lituanie, France, États-Unis. Aviateur, résistant, diplomate, écrivain. Romain Gary a connu des dizaines de vies. Lui, Roman Kacew de son vrai nom, enfant de Lituanie dont la mère rêvait de grandeur et de postérité pour ce fils et dont La promesse de l’aube racontera le cheminement. Promesse tenue !
Un éventail d’existences et de déchéances. Comment ne pas constater que son double le plus célèbre, Émile Ajar, n’est qu’un trompe-l’œil. Ce personnage fictif porté aux nues par un monde littéraire qui dans le même temps conspue son concepteur, Romain Gary. On ne lit plus Gary mais on lit Ajar !
L’égotisme de l’homme est affecté.
Pire, l’amour de Jean Seberg se délite. La femme aux cheveux courts soutient le mouvement des Black Panthers et le FBI la traque. La perte du nourrisson de l’actrice américaine dévaste le couple emblématique de Paris. En 1979, elle se suicide à l’âge de 40 ans. Romain Gary est alors un mort-vivant et publie son dernier livre de son vivant : Les cerfs-volants. La chevelure léonine ainsi que la fine barbe ne possèdent plus la flamboyance d’antan. Le romancier périclite et admet sa crainte de vieillir. Le 2 décembre 1980, il se glisse dans une robe de chambre rouge et, le canon d’un pistolet dans la bouche, met en scène sa mort. Une détonation résonne dans la rue du Bac à Paris.
Quelques mois après sa disparition sera publié Vie et Mort d’Émile Ajar, la révélation aux yeux du monde de la supercherie. Le dernier secret de ce double Goncourt, l’unique Romain Gary.