La Mauritian Wildlife Foundation (MWF) est la seule organisation non-gouvernementale (ONG) à l’île Maurice exclusivement consacrée à la conservation et la protection des espèces animales et végétales en voie de disparition. Jean-Hugues Gardenne, Fundraising Manager de la MWF, réagit à l’ annonce de l’élimination sélective des chauves-souris.
Comment prenez-vous cette décision?
La MWF s’oppose à cette décision. Nous estimons que le chiffre de 90 000 avancé par le ministère de l’Agro-Industrie est inexact. Selon nos estimations, la population de la chauve-souris de Maurice est d’environ 50 000 et n’est pas en augmentation constante.
L’espèce est endémique de Maurice et un abattage, même sélectif et limité, va à contre-sens du besoin de la protéger contre les risques d’extinction. Nous avons installé des traqueurs GPS sur 6 chauves-souris depuis octobre 2014 et suivons leurs mouvements. Cela nous a permis de comprendre que la chauve-souris ne se déplace pas pour se nourrir puis retourner à son point de départ. Elle se déplace sur des longues distances et passe la nuit à différents endroits. Notre étude va durer encore quelques mois et les données que nous avons à disposition ne suffisent pas à justifier l’élimination. Les femelles portent actuellement leurs petits et les tuer serait un acte de cruauté.
La raison évoquée est: les dégâts causés aux cultures de fruits de saisons. Quel est votre point de vue sur la question ?
La perception que les chauves-souris sont les principales responsables des dommages causés aux fruits commerciaux est fausse. Les résultats préliminaires d’une étude menée par la MWF, dans Les Vergers de Labourdonnais à Mapou depuis l’année dernière, démontrent que les chauves-souris seraient responsables d’uniquement 11% de dommages aux manguiers de plus de 6 mètres et à peine 3% aux petits manguiers. Cette étude démontre également que les oiseaux et les chauves-souris seraient responsables de seulement 9% de dégâts dans les vergers de litchis.
Il faut également tenir compte du fait que 19,5% des mangues sont endommagées en tombant des arbres. Dans les vergers de litchis de Medine Sugar Estate, les résultats sont tout aussi éloquents. Sur 600 arbres, 9% des fruits sont abîmés ou rongés par les chauves-souris et les oiseaux. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. La population ne fait pas de distinction entre les ravages faits par les chauves-souris et les oiseaux. L’impact des oiseaux est sous-estimé. Nous avons aussi constaté que tous les fruits ne sont pas récoltés – dans certains cas, les arbres sont trop hauts et on ne peut même pas atteindre les fruits, tandis que dans d’autres cas, le coût pour récolter ces mangues ou litchis est trop élevé, ce qui fait que le planteur laisse ces fruits à l’abandon.
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Que compte faire la MWF pour contrer cette décision ainsi que d’assurer la protection de cette espèce endémique ?
Nous souhaitons attirer l’attention de la population sur les autres options à notre disposition. Les oiseaux et les chauves-souris préfèrent les fruits mûrs, ainsi ils doivent être récoltés une fois arrivés à maturité.
Ensuite, il est essentiel d’élaguer les arbres fruitiers, afin qu’ils soient de moins de 6 mètres de haut.
En dernier lieu, installer des filets de protection pour garder les fruits à l’abri des chauves-souris, mais aussi des oiseaux. A long terme, nous suggérons aussi de planter des arbres à fruits sans valeur commerciale (ex : badamier) aux abords des vergers. La MWF est d’avis que l’homme devrait trouver les solutions afin de cohabiter en toute sérénité avec les animaux et que le développement et la profitabilité ne devrait pas se faire aux dépends des animaux et de la nature.
Les chauve-souris sont malheureusement en voie de disparition partout… Petit commentaire sous forme de dessin « La robe de Médée » : https://1011-art.blogspot.com/p/la-robe-de-medee.html, série de dessins réalisée pour le Muséum de Genève pour l’exposition « Tout contre la Terre ». Le Petit Rhinolophe y est en triste place…