Dans le cadre du bicentenaire de la naissance de Charles Baudelaire, le Blue Penny Museum expose des œuvres originales d’Henri Matisse, artiste majeur à l’instar d’un Picasso que le musée avait précédemment exposé.
L’entrée est gratuite ! Courez au Blue Penny voir cette exposition consacrée au grand Henri Matisse ! Grâce à la ténacité d’Emmanuel Richon, conservateur du Blue Penny, et au soutien indéfectible de la MCB, les Mauriciens ont le bonheur de découvrir non seulement des œuvres magnifiques et fondatrices dans l’histoire de l’Art, mais aussi la riche galaxie intellectuelle et artistique dans laquelle Matisse évoluait.
Matisse et Baudelaire…
Cette exposition rappelle que Matisse admirait Baudelaire, et sa parenté spirituelle avec le poète, riche et complexe, nous entraîne, au-delà des œuvres présentées ici, à visiter les flux, les liens, les connexions, les passions unissant la culture française et les cultures mauricienne, créole et plus généralement ultra-marine. Il existe peut-être un rapport entre la création artistique, le besoin d’inventer des territoires inconnus, des visions inédites ou, pour les poètes, de réinventer le langage, et le goût des terres lointaines, des chairs étrangères, de l’ailleurs. La passion de Baudelaire pour la singulière mulâtre Jeanne Duval et pour les îles Mascareignes est sans doute de la même qualité que celle de Matisse pour sa modèle, muse et amante russe Lydia Délectorskaya ou son voyage en Polynésie.
Les œuvres originales présentées aujourd’hui en portent témoignage : un remarquable portrait de Baudelaire au fusain côtoie le fac-similé d’un portrait de Jeanne Duval dessiné par le poète même ; Lydia dessinée sur papier, représentée en espagnole en aquatinte, en lithographie numérotée et signée ; les lumineux pochoirs des illustrations du recueil Jazz aux noms évocateurs de l’outremer : lagoon, codomas, les algues découpées, le jazz lui-même, musique créole !
Le monde relié des voyageurs de l’âme
Et, souffle Emmanuel Richon, les correspondances sont sans fin dans ce monde des voyageurs de l’âme : Lydia, russe comme Elsa Triolet, muse elle-même d’Aragon qui obtient enfin de son ami Matisse, cinq ans avant sa mort, qu’il illustre Les Fleurs du mal. Gustave Moreau, le grand peintre symboliste qui annonça au jeune Matisse : « Vous allez simplifier la peinture » et qui avait reçu des mains de la mère de Baudelaire un exemplaire du sulfureux recueil. Le poète lui-même qui emprunte le nom de son ami Privat d’Anglemont, écrivain martiniquais, pour signer ses premiers vers. Et Aimé Césaire qui cite Baudelaire ! Et Léopold Sédar Senghor qui lui consacre sa thèse ! Et tant de liens encore…
Bref, une exposition bonheur qui a demandé beaucoup de temps et d’énergie à organiser ! Déplacer à Maurice des œuvres d’une valeur globale de 6 millions d’euros nécessite, d’abord, de les assurer et la Swan s’est chargée de ce lourd tribut. Ensuite convaincre les propriétaires des œuvres en question de bien vouloir les prêter. De divers points du monde, les faire venir en avion cargo approprié fut facilité par Corsair. Et Beachcomber prête la main au Blue Penny en hébergeant gracieusement les visiteurs étrangers venant voir l’exposition… Sans oublier, bien sûr, Samskara Ltd de l’indispensable et passionné Steve Sowamy, intermédiaire hors pair et facilitateur efficace, co-organisateur de l’exposition qui, sans lui, n’aurait pas pu voir le jour.
Réunir ces belles énergies est un parcours nécessaire pour Emmanuel Richon qui est particulièrement attaché à rendre la culture accessible à tous… et la gratuité en est une des conditions.