Le PAN-Requins: complexe et contesté
Le ministère de la Pêche a même pris position pour dire que tout ceci est « illégale ». Néanmoins, le PAI-Requins ou un texte de loi concret se fait toujours attendre. Les associations, ONG et observateurs militant pour la conservation marine ont bien été approchés l’an dernier pour une consultation sur l’ébauche du PAN en mai 2015. L’avis de la Mauritius Marine Conservatuion Society (MMCS) avait été demandé sur ce texte. Cette organisation non gouvernementale (ONG) se concentre sur la protection et la gestion de l’environnement côtier et marin à l’île Maurice depuis les années 80. La MMCS n’a pas réalisé de projet de monitoring de requins, à ce jour. Ainsi, elle a sollicité l’expertise des chercheurs internationaux pour répondre à la demande de l’Etat.
Dans la lettre adressée au ministère de la Pêche, la MMCS demande qu’une étude soit menée pour déterminer l’emplacement des colonies de requins et autres habitats essentiels. « Aussi, une étude doit être menée afin de déterminer les périodes d’activité accrue des requins, principalement liée à la période d’accouchement des espèces spécifiques», pouvons-nous y lire.
La MMCS demande également une collecte de données améliorée et le suivi par les pêcheurs mauriciens avant que toute décision ne soit prise sur la mise en place de la pêche de requins ciblée. «Le rapport vise à ‘assurer la conservation, la gestion des requins et leur utilisation durable à long terme’. Sans d’abord établir des procédures de collecte de données fiables, la détermination des niveaux de pêche durable est impossible. Nous demandons un moratoire sur tous les projets avant la collecte de ces données. Des aires marines protégées, correctement appliquées, sont considérées comme des éléments essentiels de la pêche durable. Des zones interdites devraient être établis dans le voisinage immédiat des îles du Nord, ainsi qu’à Saint-Brandon», poursuit la lettre.
Nous n’avons, malheureusement, pas pu avoir accès à l’ébauche du PAN-Requins. Cependant, on nous laisse entendre que l’objectif du gouvernement n’est pas uniquement de protéger les requins, mais de mieux gérer leur exploitation. « L’année dernière j’étais invité à un atelier de travail sur le PAN-Requins. En fait, ce n’était pas un plan d’action pour la préservation des requins, car, une fois sur place, j’ai compris que le question était de comment mieux exploiter les prises accessoires ou accidentelles de requins », confie Hugues Vitry. Selon lui, le PAN-Requins vise surtout à faire accepter les même règles appliqués par l’Union Européenne, qui sont d’interdire l’enlèvement des nageoires de requins en mer (le finning), et exiger par là même que tous les requins soient débarqués avec leurs nageoires naturellement attachées. L’observateur indique que l’aspect commercial ne doit pas être complètement négligée, mais qu’il ne faut pas oublier de les protéger.
La MMCS explique, toujours dans sa lettre au gouvernement, que la pêche au requin est majoritairement reconnue comme étant insoutenable dans la communauté scientifique, en raison de leur maturité sexuelle tardive et le petit nombre de descendants. Contrairement aux autres poissons, les requins sont facilement fragilisés en raison de leur cycle biologique un peu particulier. Effectivement, les squales n’atteignent leur maturité sexuelle qu’après une dizaine d’années et n’ont que peu de petits à la fois. Une étude récente menée par une équipe d’universitaires américains et canadiens estime à 8% le taux d’exploitation annuel pour les requins (le pourcentage de la population mondiale de requins tués chaque année par l’industrie de la pêche) et des taux inférieurs à 5% pour la naissance. «Compte tenu de l’état d’épuisement des populations de requins de l’île Maurice, il est difficile d’imaginer une pêche ciblée comme étant durable dans l’état actuel » écrit l’ONG.
Brice Cohadon conclut en disant que la première chose attendue du PAN-requins est, « bien évidemment la protection des zones, voir leur transformation en réserves naturelles, où nous observons les requins afin de préserver ces sites ». Selon lui, ce plan d’action peu être mis en place très rapidement. Cependant, à long terme, il est important d’essayer de « développer les connaissances » concernant les requins, leurs interactions avec les autres espèces et leur rôle dans l’écosystème marin. « Il est surtout indispensable d’informer les pêcheurs. Nous ne pouvons pas jeter naïvement la pierre à ces derniers. » Pour le moment, le plan d’action n’a pas encore été validé. Du moins, aucune annonce officielle n’a été effectuée à se jour.
Affaire à suivre…