De juillet à septembre, le pouls de Saint-Leu bat au rythme soutenu de l’activité parapente. Car avis de spécialiste, c’est le meilleur moment de l’année pour voler, l’air sec de l’hiver étant favorable à la formation des courants ascendants. Un loisir ouvert à tous.
La navette qui transporte moniteurs et touristes depuis la piste d’atterrissage prend d’assaut la route serpentine des Colimaçons. L’ambiance est bon enfant, tous les professionnels, environ une soixantaine à se partager le spot saint-leusien, se connaissent. John le parapentiste qui conduit fait part des bonnes conditions météo du jour alors que je discute avec Pierre*, détenteur du Brevet d’Etat lui permettant d’être moniteur et à qui je m’en remets pour mon baptême de l’air. On pourrait se poser la question de savoir comment identifier parmi les professionnels opérant sur place, « son moniteur » dans la masse d’informations disponibles sur le net, associé à la possibilité de s’inscrire directement en ligne… ? Unaniment reconnu, pour rencontrer le moniteur faisant valoir sérieux et aptitude, doublé d’un capital sympathie appréciable, rien de mieux que le bouche à oreille. Par ailleurs, la capacité d’écoute d’un professionnel pour répondre aux interrogations et apaiser les craintes du prétendant au saut est un point tout aussi déterminant pour que l’expérience soit positivement inoubliable. Bonne pioche pour moi, Pierre Helleu réunit tout cela.
Soulevée par une main de géant
Après 20mn de route, j’aperçois la piste d’envol des Colimaçons. J’observe l’océan qui me parait décidément bien bas, tentant de repérer la piste d’atterrissage située sur la plage. Pierre sort son aile empaquetée tout en m’invitant à le suivre sur la piste où se tiennent déjà quelques personnes. Il existe un code de bonne conduite entre parapentistes où les derniers arrivés se placent à l’arrière du plan d’envol, en attente de son désengorgement. Car au mois d’août, il y a foule. Un jeune couple attentif aux explications de ceux qui les prendront chacun en tandem pose pour la photo, chargée d’immortaliser cet instant très spécial. La piste se dégage, c’est à mon tour. Concentré, mon moniteur s’active autour de son matériel, déploie la voile, vérifie l’axe ses suspentes, sans oublier de charger la caméra d’une carte qu’il me remettra à l’issue du vol. Me voici casquée et sanglée au harnais, surprise d’être déjà prête, le cœur un peu battant bien qu’étrangement calme face au dénivelé qui se déploie, en face. Derrière moi, Pierre énonce les consignes, « à mon top départ, tu cours sans t’arrêter», et 30 secondes plus tard, me galvanise en lançant « maintenant, cours, cours, cours… », je m’élance en direction de l’océan et me retrouve aussitôt soulevée délicatement, comme portée par la main bienveillante d’un géant au-dessus des cannes à sucre. Je me cale au fond de la sellette pour mieux la savourer et observer La Réunion telle que je ne l’avais jamais vue avant ce jour.
Entre 20 à 40 minutes pour un baptême
Pour éviter de redescendre trop rapidement vers la côte, le parapente se maintient dans la zone des ascendants. Quelques secousses plus senties me font tressaillir, mais le calme du pilote me ramène aussitôt à la dimension féérique de cette expérience. La saignée impressionnante de Grande Ravine marque la limite de notre périple, mais Pierre décide de maintenir l’altitude pour bénéficier d’un plus grand rayon d’action pour atteindre la mer d’une transparence extraordinaire vue sous grand angle. D’un coup, la grande bleue m’explose au visage et je m’extasie sur un des plus beaux spectacles que la nature soit capable de produire. Une baleine, majestueuse, après avoir eu la politesse de se laisser observer décide de replonger vers les tombants marins à l’approche d’un bateau chargé de touristes.
Aux manettes quand la météo le permet
Nous abordons la dernière phase du vol, et de la côte découpée nous dirigeons vers la zone résidentielle de la Pointe des Châteaux avant de nous mettre en approche de la zone d’atterrissage sur la plage. En face, je repère la fameuse gauche des surfeurs de Saint-Leu et Kélonia, la ferme des tortues. Puisque la météo le permet, je me retrouve avec les commandes pour les avant-derniers virages et me surprends à les avoir prises le plus naturellement du monde, comme si c’était la dixième fois. « A droite, à gauche, encore à droite » m’oriente Pierre avant de les récupérer pour la phase d’atterrissage. «Tu te mets debout à partir de maintenant et une fois sur le sol, ne regarde pas tes pieds, mais devant toi, tout en continuant à marcher », sera sa dernière recommandation. Nous frôlons alors la cime d’un filao et le sol avec lequel je renoue avec souplesse, s’est présenté très rapidement. Et je ne manque pas de faire l’erreur du débutant en m’arrêtant brusquement. La voile se couche alors devant nous au lieu de derrière. Je reviens sur terre progressivement alors que Pierre plie déjà son matériel. Je ressasse encore les images fabuleuses imprimées dans ma tête, alors que lui doit rejoindre la piste des Colimaçons pour son troisième vol de la journée. * Pierre Helleu sur www.saintleuparapente.com
300 jours de vol par an à Saint-Leu
Protégé, car on y vole en dessous des vents dominants, Saint-Leu est de ce fait un spot majeur de l’île. Praticable quasiment toute l’année, cette spécificité le rend exceptionnel à échelle internationale. L’île a pu ainsi accueillir la finale de la Coupe du monde de parapente en 2003 et 2006 et la 5ème étape des chamionnats en 2016. Depuis le site d’atterrissage, des navettes assurent plusieurs fois par jour le trajet jusqu’au plan d’envol des Colimaçons situé à 800m, d’où se font les baptêmes. Pour les expérimentés, Saint Leu parapente propose un départ à 1500m d’altitude pour survoler la forêt primaire, à 2200m depuis le Maïdo pour un envol inoubliable vers Mafate, ou depuis le Piton de neiges, Le Dimitile ou les Makes, uniquement sur demande car nécessitant des préparatifs.