Claire Paponneau
Avant Maurice: Manager des filiales Orange d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale à Paris
Situation actuelle: Deputy CEO à Mauritius Telecom
Avant de poser ses valises dans l’île en août dernier, cette cadre de Mauritius Telecom avait chapeauté pendant 20 ans des filiales africaines d’Orange. En fonction dans l’île pour quatre années environ, elle a appréhendé cette expérience dans un état d’esprit des plus neutres, n’ayant approché Maurice que par le biais d’un transit de 24h alors qu’elle passait sa vie dans les avions. Cette ingénieure de formation définit sa mission professionnelle comme contributeur à métamorphoser l’opérateur mauricien, d’entreprise de réseaux, à fournisseur de service d’excellence.
Ni fan de soleil, de plage ou d’une quelconque activité nautique, sa rencontre avec l’île s’est faite sur d’autres plans.
« Le fait d’être arrivée seule ici a été un tremplin pour aller à la découverte de l’autre, d’une histoire, d’une culture, alors que les familles ont tendance à se replier sur elles-mêmes en terre étrangère ».
Entre ses cours de créole pris à domicile, l’animation du café littéraire qu’elle a créé dans le Nord où elle réside, son temps libre consacré à ses passions que sont la peinture et la lecture et son implication au sein de la CCIFM en tant qu’administrateur, les activités en dehors de la sphère professionnelle sont légion. Si la France lui manque? Un manque associé à la famille et aux amis précise t-elle, pour le reste, elle parlerait davantage de petits plaisirs non accessibles dans l’île. Ses liens avec la France sont d‘ailleurs loin d’être distendus compte tenu de ses nombreux engagements, conduits depuis Maurice. Sur le front littéraire, Claire Paponneau est membre de « Les 68 premières fois », un cercle qui vise à faire le buzz autour des premiers romans, « un système fonctionnant avec la complicité d’éditeurs qui fournissent la matière», appuie celle qui est arrivée avec 350 livres non lus dans ses cantines. Depuis Maurice, elle préside également la Fondation Amnesty International*, une émanation de l’association qu’elle connaît pour y avoir officié trente ans durant. Pour claire Paponneau l’expatriation oblige à l’adaptation et à la curiosité, des domaines où elle estime avoir fait ses preuves. « J’y suis bien, c’est un environnement autorisant de prendre le temps de faire ce qu’on aime et la diversité des paysages est épatante. Je suis sidérée chaque jour par la gentillesse des Mauriciens au volant et la décontraction propre aux gens ici a fini par déteindre sur ma personnalité », admet-elle.
« J’aimerais tout de même amoindrir l’image de carte postale de l’île, le ciel n’y est pas toujours bleu » sourit-elle. Prête à recommander la destination pour les vacances, elle ne s’y voit pourtant pas retraitée, « mes racines ne se trouvant pas ici », conclut-elle.
* Vise à collecter des fonds auprès de donateurs soumis à l’ISF qui seront redistribués, entre autres, pour développer des actions d’éducation aux droits humains, pour les jeunes des collèges et lycées, ou des population particulières comme les réfugiés.
Gérard Guidi
Avant Maurice : Artisan coiffeur, entraîneur de l’équipe de rugby à La Réunion
Situation actuelle : Fondateur et directeur du Centre de Chirurgie Esthétique de l’Océan Indien
Cette figure mauricienne – Gérard Guidi est Mauricien depuis 10 ans – qu’on ne présente plus, ayant fait partie des nominés du Tecoma Awards 2017* pour illustrer l’exemplarité d’un parcours de chef d’entreprise visionnaire et audacieux le dit sans détour: « Partir à l’étranger, implique que l’on prépare minutieusement son installation en amont et que l’on s’adapte sur place ». D’autant plus rappelle t-il, que de nombreuses plateformes d’informations -BOI, CCIFM- ont vocation à aider, orienter, voire dissuader celui qui veut sauter le pas.
« Lorsque je suis arrivé il y a 17 ans, il n’existait aucune facilité pour devenir investisseur, la BOI n’existait même pas », précise t-il. Installé alors à La Réunion, Gérard Guidi parlait alors de créer un centre médical dédié au cheveu, dans une île tropicale, accessible aux personnes du monde entier et donc bien desservie sur le plan aérien. Quelle autre île que Maurice pouvait répondre à toutes ces attentes ? En investissant tout son capital, l’équivalent en francs, de 120 000 euros, pour lancer sa clinique, Gérard Guidi initiait les premiers pas du tourisme médical. « J’ai bataillé un an pour obtenir l’autorisation d’exercer», se souvient-il. Après quelques années de fonctionnement, de Pointe aux Canonniers, le centre qui s’est ouvert entre temps à la chirurgie dentaire et esthétique, devenu trop exigü, veut migrer vers Trou aux biches, sur un terrain plus grand pour accueillir des structures d’hébergement pour les patients. Sur cette seconde phase de développement de son affaire, les choses ont été encore moins simples, les autorisations ne lui ayant été accordées qu’au bout de cinq années d’obstination. On peut parler d’essai transformé avec succès pour cet amoureux de rugby, sa clinique faisant aujourd’hui figure de référence mondiale pour les techniques de greffe du cheveu en accueillant pour les former, des équipes russes, françaises et marocaines.
Car rappelle t-il, « notre équipe à 95% mauricienne pratique depuis nos débuts et cette antériorité technique nous permet de faire en un jour ce qui se fait en deux jours ailleurs ».
Le parcours a été difficile admet-il, non pas à cause du système mais de quelques jalousies isolées. Il observe que Maurice a su déployer ses atours en mettant au point une batterie d’arguments pertinents et d’outils adaptés pour faire rêver et convaincre les investisseurs. Mais nombreux sont ceux qui manquent de discernement quant aux réalités du terrain local regrette le chef d’entreprise. Malgré une envie bien chevillée de s’intégrer, les tracasseries administratives ou un sens des réalités défaillant finissent par avoir raison de nombreux volontaires à l’expatriation. Pionnier sur ce terrain qui lui est désormais familier, il conseille de « réfléchir un minimum à une activité viable et pérenne, car tout n’est applicable ici ». Dans un second temps, la capacité d’adaptation reste selon lui la clé d’une installation durable, donc réussie. Entrepreneur accompli, Gérard Guidi affiche sa fierté d’être Mauricien, même si parfois la confrontation à certaines lenteurs et à une mauvaise compréhension peuvent encore le heurter.
* Prix du chef d’entreprise de l’année remis par le magazine Eco Austral avec le concours d’IBL.
Jean-Pierre Delpérié
Avant Maurice: Fondateur du cabinet de chasseur de têtes Wanthead, spécialisé en managers d’entreprise, à Paris.
Situation actuelle: Retraité
S’il est un Français dans l’île qui incarne la retraite active, c’est bien Jean-Pierre Delpérié. Ce dernier organise depuis son installation voilà six ans, des choses diverses et variées convergeant vers un seul but, « celui d’attirer et de retenir les porteurs de savoirs à Maurice », explique t-il. Organisation de conférences sous l’égide la Route des cultures, de concerts – promotion des jeunes talents au Palais du Réduit en 2015 -, visites culturelles – les maisons créoles de Port-Louis -, co-responsable de la sécurité du district de Rivière Noire, rencontres artistiques avec des peintres… etc, sont parmi la dizaine d’activités créées par ses soins et auxquelles il se consacre totalement et bénévolement. Economiste de formation, ancien de Siences-Po, détenteur d’un MBA, cet ex-cadre de Saint-Gobain – où il fut directeur marketing dans le papier et directeur export dans le flaconnage – , a ensuite fondé son propre cabinet de chasseurs de têtes à Paris – le plus gros recruteur de Cégétel-SFR d’alors. Il est selon ses propres dires, victime de sa maladie atavique, la curiosité, qui le pousse à essayer de comprendre pourquoi. « Et à Maurice en l’occurrence, je me pose la question de savoir pourquoi toutes les potentialités ne sont-elles pas exploitées ? ». Cette interrogation qui l’accompagne depuis son installation l’incite à frapper aux portes, à demander à rencontrer des personnes et même à conduire des études sur des sujets qui le titillent, dont certaines avec le concours d’experts. Parmi elles, « Colors of Mauritius » résulte d’une rencontre avec une trentaine de peintres mauriciens suite à son constat d’une Maurice en perte de couleurs.
« L’idée consistait à partir d’une couleur du drapeau national, d’en décliner sept autres représentatives de l’âme mauricienne, selon les perceptions de chacun».
Pour soutenir la démarche du chef du village de Flic en Flac, il a également initié une étude sur le réaménagement de la plage pour l’inscrire dans un futur durable et avant-gardiste. « Je suis arrivé avec ma vision idyllique d’un pays tropical et de ses beautés environnementales, mais je me suis aperçu que lesdites beautés s’étaient faites rares dans les villages parce qu’il n’y a vraisemblablement pas de prise de conscience sur l’intégration de l’action dans un futur durable», souligne t-il. Bénévole engagé, cet amoureux des grands espaces est tellement occupé qu’il n’a pas le temps de penser à ce qui pourrait lui manquer de la France. Ses enfants et petits-enfants bien entendu, mais l’idée d’un retour vers le continent ne l’effleure pas un seul instant. jp.delperie@gmail.com
Mathieu Hamelin
Avant Maurice : Successivement dans le département marketing Orange et l’univers de la restauration, à Paris
Situation actuelle : Proprétaire du Kenzi Bar
Son royaume excentré de la route côtière, est surtout apprécié des expatriés et des musiciens, certainement un peu moins connu des touristes, excepté les lecteurs du Guide du Routard qui mentionne le Kenzi Bar comme passage recommandé de Flic en Flac. Mathieu Hamelin est devenu investisseur étranger il y a 12 ans lorsqu’il s’est porté acquéreur du Kenzi bar pour un montant avoisinant les Rs 2 millions. « Je suis arrivé parce que j’avais été séduit par l’île lors d’un passage précédent pour des vacances», explique t-il Rien ne prédestinait alors ce détenteur d’un DESS en marketing à devenir patron de pub. Et pourtant, voilà des années que l’on s’y presse en semaine pour se retrouver – surtout entre Français – autour d’un verre après le travail, écouter de la bonne musique live le vendredi soir et le dimanche en fin de journée sur ce concept novateur lancé par le propriétaire du Kenzi voilà quatre ans, « Dimanche en musique », où le pub ouvre son jardin aux musicien. Pour lui, la situation a incroyablement évolué en 12 ans, et ce dans tous les domaines.
« Il me semble qu’investir était moins contraignant car nous n’avions pas de mise de dépôt au départ comme aujourd’hui, mais l’obligation d’atteindre son chiffre d’affaires annuel est toujours d’actualité et sur ce plan je ne peux que recommander la stricte observation des règles » poursuit-il.
Celui qui a beaucoup innové pour permettre aux musiciens de jouer dans son pub, regrette qu’il n’y ait aucune sorte de cercle d’entraide et de soutien entre personnes de même métier, « du moins je parle pour Flic en Flac ».
Il évoque même quelques peaux de banane bien glissantes rencontrées sur son chemin pour le fragiliser, mais il a malgré tout su trouver sa place, professionnelle et personnelle, Mathieu Hamelin étant devenu il y a peu un papa heureux. Maurice a beaucoup à offrir en qualité de vie selon lui, surtout lorsqu’on fonctionne en mode familial et par rapport à ses premières années d’installation, on y trouve désormais de tout, « de la bonne viande et du bon fromage », sourit-il. Et quant à la distance familiale, elle n’est plus vraiment perçue comme telle avec tous les moyens de communication dont on dispose. Grand amateur de golf, membre du Golf Club de Tamarina, Hcp 17, Mathieu qui pratique chaque semaine entre amis et en variant les sites autant que possible se félicite de vivre dans un environnement aussi riche en golfs de qualité.
Mais en dépit de cette série de plus en faveur de Maurice, il sent néanmoins poindre une envie de renouveau. « Il serait prétentieux de dire que j’en ai fait le tour, mais je désire faire autre chose, ailleurs », reconnaît-il en guise de conclusion. Mais, que l’on vous rassure, il est toujours temps de profiter de la programmation musicale du Kenzi à retrouver sur sa page Facebook.