Ils sont architectes, paysagistes, artistes multidisciplinaires. Outre les candidatures mauriciennes, elles sont aussi issues de La Réunion, de France, d’Argentine, de Suède ou d’Australie. 170 dossiers dont 60 « internationaux » ont été envoyés au comité organisateur du festival. La Gazette a choisi de mettre en lumière un collectif et deux artistes sélectionnés.
La troisième édition du festival Porlwi qui démarre le 29 novembre prochain pour s’achever le 3 décembre dénote des éditions précédentes tant sur le plan de la durée que celui des sites investis. L’événement se tiendra sur cinq jours, en soirée mais aussi en journée pour permettre à un plus grand nombre de Mauriciens de profiter. De même que l’itinéraire tracé par Porlwi by Nature change cette année avec la mise en place d’îlots artistiques : le Caudan, le Grenier – et ses alentours – et la Citadelle qui seront interconnectés par une rue piétonne. Outre l’assurance de retrouvailles avec l’ADN du festival constitué par des installations lumières, de la musique, des performances artistiques, des expositions et la cuisine mauricienne Porlwi by Nature s’est attaché cette année à mettre l’accent sur la manière dont l’espace vert peut exister en milieu urbain. Le comité organisateur a encouragé les postulants à présenter des créations durables qui, pour certaines, resteront dans la ville.
Rendre au bambou ce qui lui appartient
Parmi elles, le projet « Home ground» proposé par un collectif franco-italo-mauricien d’architectes et de designers (1) mérite que l’on s’y attarde. Ces professionnels ont eu pour idée de valoriser un matériau, poussant comme le chiendent ici, le bambou. Parti d’une thèse écrite par un Sud-africain intitulée « Comment utiliser le bambou dans le bâtiment local » le collectif souhaite démontrer à travers la performance visuelle qu’il se prépare à créer dans Port-Louis, que le bambou représente une véritable alternative au bois. Aux propriétés mécaniques insoupçonnées, ultra-résistant même aux conditions cycloniques propres à nos latitudes, le collectif a voulu extraire ce matériau – sur lequel se penche de plus en plus d’architectes et de designers – de sa condition décorative à laquelle la plupart des Mauriciens le cantonnent. Mis en vedette pendant cinq jours, les promeneurs pourront admirer toute une scénographie déroulée autour du végétal, depuis sa condition sauvage où il est vert, jusqu’au bâti, en passant par la phase de transition où il se présente sec. « En créant un jardin de bambous permettant une lecture de son usage, multiple, nous voulons faire la démonstration que ce matériau a toute sa place sur le plan structurel compte tenu de ses propriétés », appuie l’architecte Anna Mallac-Sim. Par ailleurs, vient s’adosser à son usage généralisé pour peu qu’il le soit si les Mauriciens adhèrent, aussi la question de la fourniture du matériau. « Il faudra dans ce cas planter, ce qui pose la question de la structuration de toute une filière bambou à Maurice », ajoute Herbert Staub.
Accrocher ses suspensions aux nuages
Autre artiste, autre concept, autre installation. Celui d’Alain Gernigon arrivant de La Réunion consistera à végétaliser un espace de 120m2 sur le site du Grenier avec ses drôles de suspensions végétales. Sièges d’entreprise, restaurants, bars branchés et musées, à La Réunion, tout le monde s’arrache ses créations… C’est lors de son exposition de 22 suspensions au musée de Champ Fleuri de Saint-Denis que l’artiste a pris son envol en enthousiasmant le public par tant de fantasmagorie. Certainement en connexion directe avec sa perception du monde, Alain Gernigon a créé un monde en suspension. Avec ses kokédamas suspendus à un fil, un art végétal ultra esthétique venu du Japon, il adresse un clin d’oeil au romancier Milan Kundera, avec ses mises en scène flottantes qu’il pourrait baptiser « L’incroyable légèreté de la nature ». L’artiste met les plantes en l’air sur un substrat adapté tout y en intégrant un système d’irrigation pour les rendre pérennes. Il y travaillera un mois durant sur place, jusqu’à rendre visible sa canopée suspendue à un réseau de câbles installé pour les besoins, cinq jours durant avant qu’elle ne rejoigne un site d’adoption.
La nature selon Daphné
Cette jeune graphiste franco-mauricienne s’impliquera quant à elle dans la catégorie « street art » en projetant sa vision de la nature, – éclatante et foisonnante à l’image du vêtement qu’elle porte – sur tout un mur de Port-Louis. Daphné Doomun a été sélectionnée sur un dessin présentant une fresque végétale incluant un dodo et une femme regardant les passants. « La présence du dodo symbolise la passerelle entre ce qui n’existe plus et ce qui risque de ne plus exister », explique t-elle. Daphné qui peint une nature non figurative insiste t-elle, n’en est pas son coup d’essai. Issue de l’Ecole de Condé à Paris une école de référence en design et arts graphiques, la jeune femme a déjà une exposition à son actif, créée sous le fil conducteur d’une nature idéale à ses yeux. Elle avoue avoir atteint son objectif artistique en s’emparant de tout un mur pour partager avec le plus grand nombre sa vision de l’environnement naturel. Une mission ô combien excitante et tout à la fois un peu stressant, conclut-elle, le sourire rayonnant.
(1) Anna Mallac-Sim, architecte mauri-cienne
Herbert Staub, architecte d’intérieur mauricien, installé en France
Marco Lavit, designer italien
Constance Gravier, designer française