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Île Maurice
samedi, novembre 23, 2024

Rodrigues, l’île authentique

Rodrigues n’est pas que la carte postale. Dire que c’est une ile paradisiaque ne serait qu’une affirmation plutôt vague. Une fois là-bas on se rend compte de visu et de vécu sa tranquillité, sa simplicité, son authenticité et son savoir-faire qui fait école, pas seulement dans la région mais aussi dans le monde. Elle est riche d’histoires avec ses propres particularités et spécificités. Une île qui a su prendre le taureaux par ses cornes dans son élan de protéger et de préserver le peu de ce qu’elle a : sa nature indigène et endémique, son environnement marin et terrien, sa culture et sa tradition. Elle s’est forgé un chemin dans le développement soutenu, sa manière à elle d’apporter sa pierre à l’édifice dans la lutte contre le réchauffement climatique et la protection écologique. Elle se présente comme un pionnier, faisant la leçon aux voisins et aux autres, suite à l’initiative prise par moyens de règlements pour bannir les sacs en plastique en 2014, les conteneurs en polystyrène et autres récipients en plastique à usage unique. Rodrigues est donc tournée résolument vers l’écologie, visant à promouvoir une meilleure gestion des ressources naturelles et des déchets. Attachez vos ceintures. Embarquement immédiat pour la découverte de cette cendrillon des Mascareignes. Amanoola Khayrattee

Un peu d’histoire

La plus petite des îles Mascareignes, Rodrigues fait partie intégrante de la République de Maurice, bien qu’aux élections générales de 1968, l’électorat de Rodrigues avait opté à 97% pour l’association avec la Grande Bretagne, rejetant ainsi le mouvement pour l’indépendance de Maurice. Elle jouit du statut autonome depuis le 12 octobre 2002 avec une Assemblée Régionale comprenant 18 membres, opposition incluse.

Cette île a été longtemps convoitée, par hasard ou par circonstance, pour servir comme point de ravitaillement, de refuge ou de contrôle stratégique dans cette partie de l’océan indien. L’île abondait en tortues, oiseaux, et autres fruits de mer. Ainsi, dès le Xème siècle, l’île a été visitée par les Arabes. Mais ce fut Don Diego Rodriguez le premier Européen à la découvrir officiellement en 1528. Plusieurs tentatives de colonisation s’ensuivirent dont les Hollandais et les Français. Les Hollandais avaient fait une escale de courte durée en 1601 pour se ravitailler en eau potable et en tortues géantes. Ce qui constituait un apport  non-négligeable en réserve durant de longs séjours en mer.

L’île est restée inhabitée jusqu’à ce que le huguenot François Leguat, sous l’emprise du marquis Henri Duquesne (qui voulait établir une colonie huguenote sur l’île Bourbon connue aujourd’hui comme l’île de la Réunion) s’y installe en 1691 en compagnie de sept autres huguenots fuyant la persécution religieuse dans leur pays. Ils vont vite déchanter par la monotonie et l’absence de femmes et plient bagages deux ans après. Cependant, durant son séjour, François Leguat avait répertorié de nombreuses espèces de tortues, d’où son nom à la réserve de tortues à Anse Quitor non loin de l’aéroport de Plaine Corail dans l’ouest de l’ile.

En 1725, un détachement de soldats français débarque à Port Mathurin. L’île passe en possession française. Mais c’était sans compter sur les britanniques qui, avec un intérêt persistant pour la colonisation dans cette région, reprirent l’île en 1809.

Port Mathurin, qui deviendra plus tard le centre administratif de l’ile, doit son nom à l’un des premiers habitants de la période d’occupation française portant le nom d’un certain Mathurin – le nom Mathurin Breheiner est souvent cité.

Le premier administrateur civil fut Philibert Maragon, un habitué des Mascareignes dès l’âge de 20 ans, qui y avait effectué sa première visite en 1791. Cet originaire de Auterive, en France, né en 1749 s’était alors attelé au développement de l’agriculture et l’élevage avec une vingtaine de colons et environs quatre-vingt esclaves emmenés de Maurice. Il repose à côté de sa femme dans un endroit listé comme héritage national à l’Union au centre de l’île. Si à Maurice, la libération de l’esclavage fut officialisée le 1er février 1835, à Rodrigues elle ne fut proclamée que le 4 juin 1839, selon des sources officielles. Un cimetière des esclaves a été reconstitué à Montagne Cimetière non loin de l’Union.

Origine, économie et développement

D’origine volcanique avec une topographie montagneuse au sommet culminant à 398 m à Mont Limon, et une superficie de 108 km2 pourvue d’un vaste lagon de 240 km2, Rodrigues, avec une population de 41669 âmes en décembre 2014, est située à environ 650 km au nord-est de Maurice quelque peu dans l’axe des cyclones.

Les activités principales comportent l’agriculture, la pêche, l’élevage, le tourisme et l’artisanat. Le haricot rouge produit localement est très prisé pour sa riche teneur en potassium et pauvre en sodium et bénéficiant d’un index glycémique moyen. Et quoi de mieux qu’un curry ou une salade d’ourite à la rodriguaise. Afin de s’assurer que l’ourite et le poisson ne disparaissent des lagons, les autorités ont mis en place un système de contrôle. Ainsi la pêche à l’ourite est fermée deux fois l’an pendant environ deux mois à chaque échéance en août et en février. La pêche traditionnelle à la senne, quant à elle, n’est permise qu’entre mars et septembre. D’autres mesures pour restreindre la pêche des crustacés, crevettes et autres langoustes, seraient à l’étude.

La dernière décennie a été marquée par un développement accru avec une amélioration des infrastructures routières ; un accroissement sensible du nombre de véhicules (12975 en décembre 2016 contre 7154 en décembre 2007) tel que les autorités ont dû bannir l’importation des véhicules de plus de sept ans ; l’installation des drains dans le centre-ville ; la modernisation du système de télécommunication (datant de 1901 sous l’égide de Cable & Wireless installé par les Britanniques pour relier l’Australie à la Grande Bretagne en passant par Rodrigues) avec l’installation du câble optique pour permettre l’accès à l’internet à haut débit et l’avènement de quelques centres d’appel. Le port desservi par le Black Rhino et le Mauritius Trochettia, et l’aéroport par un appareil ATR 72 qui assure la liaison entre Plaine Corail et Plaisance, sont appelés à connaitre des développements structurels majeurs face à la pression de mouvements inter-iles et  la progression des demandes dans le monde des affaires.

Le recours à l’énergie solaire depuis peu s’insère dans la politique de promouvoir l’énergie verte. Aussi, pour être en phase avec le souci de la protection de l’environnement, l’utilisation des sacs en plastique, des boites en polystyrène et des verres et autres accessoires en plastique à usage unique a été banni. Et pour pallier la pénurie d’eau, diverses stations de dessalement ont été construites durant les dernières années. Ce n’est pas pour autant que le problème d’eau a été résolu.

La Résidence

Dans le centre de Port Mathurin, chef-lieu de Rodrigues près du port et des bâtiments administratifs dans l’artère principale, rue de la Solidarité, se trouve une maison coloniale en bois datant de 1873. Il s’agit du bâtiment, connu sous le nom de La Résidence et faisant partie du patrimoine architectural de Rodrigues et de Maurice, qui a servi de demeure pour les représentants britanniques en mission comme Commissaires Civils dans l’île durant l’ère coloniale. Ensuite, selon des recoupements d’informations, avec l’avènement d’une cour de justice à Rodrigues, il a aussi abrité le magistrat en fonction qui en outre avait la responsabilité de Commissaire Civil. Mais pas que. Au fil du temps avec le développement politique, la Résidence, semble-t-il, a été occupée successivement par un Resident Commissioner, Island Commissioner, et Island Secretary. Pendant un moment elle a aussi accueilli des ambassadeurs, des exhibitions et d’autres fonctions officielles. Aujourd’hui, et ce depuis 2002 après l’accession de Rodrigues au statut autonome, ce lieu fait office du siège du Conseil Exécutif de l’Assemblée Régionale.

A l’entrée de la Résidence, une pièce d’artillerie de roue apparemment pris aux ennemis par l’armée britannique durant la guerre de Mésopotamie et remise en cadeau à Rodrigues par le War Office en 1921, d’après l’enseigne qui s’y trouve.

Monument de l’Armistice

Toujours à Port Mathurin, tout près du quai cette fois-ci, un monument guette le port. C’est le monument de l’Armistice en hommage aux anciens combattants Rodriguais engagés volontaires durant les guerres mondiales de 1914 à 1918 et de 1939 à 1945. Au moins 1393 noms figurent sur la liste affichée sur le lieu. Une cérémonie commémorative a lieu chaque année le 11 novembre, jour du souvenir. Pour la petite histoire, les hostilités avaient cessé à la «11ème heure du 11ème jour du 11ème mois, d’après l’armistice signée par les allemands et l’entente ». Cette journée est observée de par le monde par les états membres du Commonwealth.

La Cathédrale de St Gabriel

A un peu moins de 10 kms de Port Mathurin, St Gabriel revêt une importance tant symbolique qu’historique et même touristique. Pour une population rodriguaise à 95% chrétienne, majoritairement catholique, ce village a la plus grande paroisse de l’île, dit-on, avec au moins 33 villages sous ses ailes.

Au cœur de ce haut lieu spirituel, se dresse un monument à l’architecture impressionnante qu’on ne peut louper. C’est la cathédrale de St Gabriel, un édifice d’une superficie imposante avec une capacité de 2000 places dont 250 debout, selon les descriptions du Mgr Amédée Nagapen dans son livret commémoratif du «Cinquantième Anniversaire de notre Cathédrale ». Mesurant 163 pieds de long, 63 pieds de large et 41 pieds de haut avec deux tours à chaque côté de 45 pieds de haut, le tout en pierre avec toiture en tôle, c’est aussi le siège de l’évêque du vicariat apostolique de Rodrigues.

C’est le Père Eugene Legault qui, quelques temps après son arrivée en 1929, avait initié sa construction. Commencée le 18 octobre 1936 avec la pose de la première pierre, la cathédrale fut inaugurée le 10 décembre 1939 par le Mgr James Leen en tournée pastorale dans l’ile.

Auparavant il n’y avait qu’un bâtiment en bois qui servait comme lieu de culte inauguré le 7 juillet 1890 par Mgr Léon Meurin. Cette église, la plus grande de l’ile, de 50 pieds par 24 pieds pouvait accommoder 900 personnes. Mais avec le temps et les intempéries, l’église était tombée dans un mauvais état et les fonctions devenaient de plus en plus contraignantes avec une population grandissante. D’où la démarche du Père Eugene Laurent, devenu curé entretemps.

Accueillant plusieurs milliers de fidèles et visiteurs tout le long de l’année, cette cathédrale fait la fierté de Rodrigues.

La Reserve François Leguat

Faire un plongeon dans l’histoire de l’île Rodrigues pour comprendre le cheminement de cette île d’origine volcanique, recréer l’écosystème tel qu’il existait avant sa colonisation 300 ans de cela et préserver la mémoire de l’histoire naturelle, de sa faune et de sa flore, ce sont là les objectifs principaux de la réserve François Leguat.

Cette réserve s’étale sur 20 hectares à un endroit dans l’ouest de l’île connu comme Anse Quitor, à quelques pas de l’aéroport de Plaine Corail. Elle est gérée par François Leguat Ltd. Mais c’est Owen et Mary-Ann Griffiths, deux amoureux de la nature et de la conservation de la biodiversité naturelle qui ont initié le projet de sa mise sur pied en 2003. Et c’est en juillet 2007 que la réserve est officiellement ouverte. « Un projet de ‘rewilding’, re-ensauvagement visant à recréer l’écosystème de l’île avant sa colonisation par les humains, » dira Aurèle André, directeur de ce vaste domaine qui comprend aussi un musée, une galerie d’artisanat, un centre de recherches scientifiques muni d’un labo et de documentation pour archiver les publications sur Rodrigues, un restaurant, et une boutique. Il y a aussi depuis mars 2014 une section philatélique racontant l’histoire postale de l’île. Le visiteur peut bien adopter une tortue pour laquelle il recevra un certificat avec la photo de l’animal et des informations régulières afin de lui permettre de suivre les étapes de son évolution.

La réserve compte près de 3500 tortues

Pour Aurèle André, cette réserve constitue une étape importante dans l’élan de sensibilisation autour du développement durable : « Elle représente un modèle de développement durable et écologique alliant la conservation de l’environnement naturelle, le social et l’économique. En parallèle, faire de la sensibilisation de la population rodriguaise, et encourager la recherche scientifique et historique». Sa mission peut se résumer comme suit : «Protéger et propager les espèces qui peuvent encore être sauvées, surtout les espèces végétales endémiques et indigènes, et recréer la forêt primaire de l’ile. Trois espèces de tortues de terre ont été introduites, dont deux d’Aldabra et la tortue Radiata qui jouent le rôle d’analogue, remplaçant ainsi les deux espèces endémiques éteintes, la tortue géante et la tortue bombée ». Et d’ajouter que la roussette de Rodrigues, une chauve-souris endémique menacée y trouvera aussi sa place.

Le visiteur a droit à une visite guidée parmi plus de 1200 tortues, 200,000 plantules de 40 espèces dont 25 endémiques, dans les 9 grottes de stalactites et de stalagmites, dont la Grande Caverne long de 500 m, entre autres. Plus qu’une simple promenade cette visite, emplie de connaissances, permet aux visiteurs de se rendre compte de l’importance de protéger cet environnement sous menace constante et de faire en sorte d’être un peu son ambassadeur dans cette démarche.

Il convient de souligner que la réserve a été nommée après celui qui a vécu sur l’île pendant au moins deux ans de 1691 à 1693, et qui avait répertorié sa flore et sa faune originale avec des descriptions de plantes et d’animaux, dont l’oiseau endémique le Solitaire, disparu à jamais tout comme le dodo de l’ile Maurice, dans son livre « Voyage et Aventures de François Leguat et ses compagnons en Deux Iles Désertes des Indes Orientales » publié en 1708. Elle est ouverte sept jours sur sept de 09h à 17h,  proposant quatre visites guidées par jour à des horaires spécifiques à partir de 09h30, le dernier à 14h30.

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