La biologiste Prishnee Bissessur étudie depuis dix ans la liane Rousseau, une plante endémique en déclin rapide, dont elle a fait un véritable cas d’école, pour mieux comprendre et hiérarchiser les menaces qui assaillent notre flore. Prishnee a soutenu son doctorat en décembre dernier à l’Université de Maurice, et nous l’avons contactée à la veille de son départ pour la Conférence européenne d’écologie tropicale, à Lisbonne. Dominique Bellier
La liane Rousseau étale son beau feuillage vert vif sur les pentes de certaines montagnes mauriciennes. Elle fleurit tout au long de l’année, encore plus généreusement de juin à décembre. Malheureusement, depuis les années 1930, son aire de répartition a diminué de moitié et sa population a décliné si rapidement que cette plante commune au 19e siècle est désormais considérée comme en danger d’extinction, selon les critères de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Dans les années 1930, Octave Wiehé et Reginald Vaughan avaient montré que cette liane épiphyte – qui prend appui sur des arbres sans les parasiter – était répandue dans les forêts humides d’altitude. Mais en 2005, le scientifique danois Dennis Hansen n’en recensait plus que 90 individus ! En 2017, Prishnee Bissessur a publié une étude systématique de sa présence et sa répartition actuelles dans le pays, qui établissait l’existence de 250 individus matures répartis en dix endroits ; les plus grosses populations se situant à la montagne du Pouce et à Piton Savane. La liane Rousseau vit principalement sur les crêtes montagneuses et les bords des cratères, à l’intérieur des zones protégées.
Elle a beau s’appeler Roussea simplex, percer ses mystères et comprendre les raisons de son déclin ne sont pas si simples ! Dennis Hansen avait créé la surprise en montrant que le lézard diurne à queue bleue (Phelsuma cepediana), notre plus beau gecko, en était un pollinisateur, phénomène rare et exclusivement insulaire. Mais en utilisant des pièges photographiques, Prishnee Bissessur a pu démontrer que sa fleur était majoritairement visitée par des oiseaux et que le Bulbul de Maurice, merle gris endémique vivant en forêt, était le plus assidu et enclin à favoriser le transfert de pollen pour la fructification. Hélas, ces observations ont aussi révélé que ses fleurs jaunes et charnues en forme de clochettes attirent également des prédateurs… tels que les singes et les rats, eux aussi très friands de leur nectar, tandis que des fourmis noires exotiques amènent des parasites qui empêchent leur épanouissement.
Mais la première grande menace à la survie de cette espèce à croissance lente vient des plantes exotiques envahissantes, que Prishnee Bissessur recommande d’éliminer en priorité, dans une publication de 2023. Notre chercheuse ne s’arrêtera pas en si bon chemin, puisqu’elle compte désormais explorer la diversité génétique de la liane Rousseau, pour déterminer la viabilité de sa population.