La silhouette élancée, le regard mobile et la chevelure abondante, Tony Ah Yu cache bien son jeu… Il sait que son physique avantageux masque bien son âge et que sa tenue vestimentaire, décontractée, ne proclame pas son statut. Mais même s’il ne prétend être qu’un «catalyseur», un intermédiaire, on sent, chez lui, bouillonner une envie d’agir, d’initier un changement durable et profond.
Très vite, le président de la Chinese Business Chamber-Mauritius (CBC) saisit la première occasion pour, avec un large sourire, s’empresser de déclarer : «Je suis très fier de voir ma communauté s’ouvrir. Aujourd’hui, les métis, ceux que l’on appelle souvent les ‘créoles-chinois’ sont pleinement admis au sein de la communauté sino-mauricienne… Et c’est une très bonne chose!» Mais cette intégration ne serait que le résultat d’un déclin démographique alarmant. «Je suis très inquiet, reconnaît notre interlocuteur. Nos enfants sont envoyés à l’étranger pour y faire de brillantes études…et beaucoup ne reviennent pas. Je peux le comprendre, mais cela aboutit à réduire l’importance de notre communauté. Songez qu’au Canada, on recense 30 000 sino-mauriciens, et que nous ne sommes plus que 18 à 20 000 ici, à Maurice! Dans le milieu des affaires, c’est un vrai sujet de préoccupation. Cela réduit considérablement notre ‘bargain power’, notamment avec le pouvoir politique. Nous ne sommes en conflit avec aucune communauté et tout le monde reconnaît notre apport à l’histoire de Maurice, à sa culture, à sa cuisine… mais quand nous ne serons plus qu’un groupe marginal, qui se souciera de nos requêtes, de la défense de nos intérêts, de la protection de notre culture… ?»
Une opportunité de développement industriel
Alors, résolument, le président se tourne vers la Chine.
«Je crois vraiment que l’on peut être un pont entre la Chine et l’Afrique. Avec notre assistance, vingt compagnies chinoises ont déjà installé leur siège régional à Maurice. Elles travaillent avec le continent africain, mais ont établi leurs sièges ici… parce qu’on est un pays stable, que les infrastructures sont bonnes et que l’on peut prendre un avion pour la Chine à n’importe quel moment… Un accord de libre échange (Free Trade Agreement) entre la Chine et Maurice va dynamiser nos échanges. Tous les mois, je reçois des délégations de villes ou de provinces chinoises qui se montrent très intéressées par Maurice.»
Mais pour Tony Ah Yu, l’Afrique ne doit pas être le seul débouché visé: «Avec l’Agoa (Africa Growth Oportunity Act), il suffit que 35% de la valeur ajoutée d’un produit soit réalisée à Maurice pour pouvoir le réexporter, sans quota ni taxe, vers les U.S.A… Il y a là une réelle opportunité de développement industriel pour nous, et d’accès au marché américain pour les entreprises chinoises.» Fort de ces convictions, le président de la CBC multiplie les contacts et les gestes symboliques. Le district de Rivière Noire va ainsi être jumelé avec une province chinoise parmi les plus dynamiques en termes d’activités industrielles.
Jin Fein, le vaste secteur situé à la sortie Nord de Port-Louis, et qui s’étend jusqu’à Baie du Tombeau, devrait ainsi devenir le symbole éclatant de cette coopération réussie entre la Chine et Maurice… «C’est vrai, reconnaît M. Ah Yu, il y a eu des retards. La première version du projet avait été confiée à une firme chinoise, qui a semble-t-il été dépassée par l’ampleur du programme. Mais le président chinois a réattribué le chantier à un consortium dans lequel l’Etat chinois est engagé et tout devrait très vite se développer… D’ailleurs, des bureaux sont déjà occupés dans l’un des principaux buildings déjà construits.»
Le centre de loisirs bientôt livré
Il a, de loin, des allures de cathédrale… L’Eden Garden Culture and Entertainment Square devrait ouvrir ses portes en début d’année. Ce centre de loisirs devrait comporter trois salles de cinéma, une salle de réception et une trentaine de boutique.