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samedi, décembre 21, 2024

Travailler autrement !

Les contextes conjoncturel et structurel sont encore fragiles, mais la relance des activités économiques post-Covid est enclenchée. Et si nous portions aujourd’hui notre intérêt sur les nouveaux modes de fonctionnement des entreprises et les aspirations des salariés ?

Pour planter le décor, notons que les chiffres issus des dernières statistiques révèlent une baisse du taux de chômage à Maurice, le plaçant en-deçà des 8% en septembre 2022, contre près de 10% en début d’année 2021, eu égard à la situation de l’époque. Une bonne nouvelle accompagne la tendance : le recrutement de femmes est en hausse. Saluons ici l’ensemble des employeurs sensibilisés à la cause paritaire ! Évidemment, au vu du nombre de postes officiellement vacants – 7 000 dans la fonction publique et un peu plus de 1 500 dans le privé, dont plus de 400 dans le tourisme – le problème reste entier pour les 45 300 chômeurs enregistrés en janvier 2023. Cependant, la reprise est amorcée et tous les protagonistes s’accordent à la stimuler intelligemment.

Les managers, entrepreneurs, créateurs sont enclins à (ré)installer leur business dans l’ère post-Covid, plus sensibles encore aux préoccupations socio-environnementales et au concept du « travailler autrement ». À ceux que j’entends déjà clamer – à juste titre – que ces nouvelles façons de fonctionner et diriger existaient bien avant la paralysie planétaire, je réponds que la pandémie aura au moins eu le mérite de consolider les préceptes du mieux-être au travail.

Mais alors, comment reconstruit-on… en mieux ?

Se réorganiser

Grand lauréat de la relance économique, le télétravail, en plus d’en être l’un des piliers, définit le gagnant-gagnant ! Bon nombre de sociétés – du tertiaire – ont adopté ce modus operandi, de manière hybride ou permanente, favorisant à la fois un meilleur rendement pour l’entreprise et l’épanouissement manifeste de ses employés. Chez Business Mauritius, l’association qui porte la voix de plus de 1 200 entreprises locales, Dhiruj Ramluggun (Head of Social Capital) le confirme : « Si la crise sanitaire liée à la Covid-19 a vu une montée en flèche du télétravail, la réouverture des bureaux et des transports publics est loin de la faire disparaître. Au contraire, nous voyons de plus en plus d’entreprises formaliser les normes du télétravail dans leurs ways of working, offrant des manières de plus en plus structurées d’incorporer le travail à domicile ou à distance. » Considérant cependant son instauration brutale et son exploitation désorganisée durant la pandémie, la pratique doit aujourd’hui être installée dans les règles de l’art. « Pendant les différents confinements, on travaillait dans des situations de crise, la charge mentale était énorme et la tension s’est accentuée avec le retour au travail », déclare Daniella Bastien, anthropologue de renom et fondatrice de Mind, on. S’il est indéniable que le télétravail accroît la productivité et résout diverses problématiques comme celles du temps perdu dans les transports – ô combien pesant à Maurice – et du coût excessif des déplacements, il a aussi pour objectif de donner davantage de place à l’individu et son confort, à condition d’être ordonnancé. Dans un registre similaire, les contrats à temps partiels, de plus en plus courants, réduisent la frustration du salarié en lui concédant plus de latitude ; une meilleure qualité de vie personnelle qui augmente naturellement l’assiduité professionnelle !

Être un employeur engagé

Le principe du donnant-donnant est fondamental dans l’organisation d’une entreprise, mais de nos jours, les dirigeants ne sont plus seulement les payeurs et l’engagement bipartite s’inscrit au-delà du rapport tâche-rémunération ! Parce que les motivations professionnelles de chacun sont au cœur du débat, que le bien-être est aussi (voire plus, diront certains) important que la rétribution, le travail de demain redessine les relations employés-employeurs. Les offres de ces derniers se doivent de correspondre aux attentes des salariés et aux exigences du marché.

Là encore, nombreux sont ceux qui ont compris qu’un climat collectif positif est une garantie de résultats optimums. Transinvest Construction Ltd, l’un des leaders du BTP à Maurice et Rodrigues, compte 98 % d’employés mauriciens heureux de se retrouver en dehors des heures de travail, à l’occasion de projets sociaux, sportifs, environnementaux… ou amicaux. Le travail devient un outil de socialisation.

Selon Esther Amsallem, responsable dans le marketing digital, et Juliette Deloustal, responsable de la politique de développement durable, toutes deux du groupe hôtelier Attitude : « La crise sanitaire a bouleversé notre rapport au travail et la hiérarchie des métiers. Il faut en repenser certains dans la chaîne de valeur d’une entreprise et se questionner sur l’inclusivité. Chez Attitude, on ne pense pas que le Mauricien ne veut plus travailler. Nous savons que les hommes et les femmes de notre île sont notre plus grande force et que sans eux, l’étincelante réputation de l’hôtellerie mauricienne ne brillerait plus. » Kannen Packiry Poullé, DRH du groupe hôtelier, relevait la qualité et la pertinence des interventions lors du Talk Series #3 by Attitude de septembre dernier, sur l’urgence de repenser le monde du travail. Il parle « d’enjeux importants, de discussions sur la meilleure direction à prendre aujourd’hui, en tant qu’employeur ». Marine Biarnes, spécialiste du recrutement chez Meet Your Job, va plus loin en évoquant « le rôle crucial des ressources humaines, première porte d’entrée dans l’entreprise ; le manque d’écoute active from top to down ; la problématique de candidats qui se sentent incompris ou ne ressentent pas les valeurs de l’entreprise ». À travers une politique RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) efficace, les managers se posent les bonnes questions pour trouver les meilleures réponses, pistes de réflexion et outils, pour agir et modifier l’image de l’entreprise. Marine Biarnes (Meet Your Job) ajoute à ce sujet que « pour attirer les talents, il faut présenter une marque employeur attractive ». Vincent de Marasse Enouf, DRH de Constance Hotels & Resorts, ajoute : « Le premier challenge post-Covid est de revaloriser le secteur du tourisme auprès des employés et candidats, leur rappeler qu’il ouvre aussi des portes à l’étranger ».

Manifestement, la responsabilité des dirigeants est bien engagée.

Être un employé heureux

Non pas que la notion de qualité de vie du salarié ait été jusque-là mise de côté, mais le récent bouleversement économique l’aura profondément intégrée dans les esprits des gestionnaires – de grosses structures tout au moins. Chaque recruteur pourrait aujourd’hui s’attendre à dégainer sa fiche pratique en riposte à la question du candidat en entretien : « Et pour mon bien-être, vous faites quoi ? »

La première réponse est indéniablement le cadre de travail, actuellement conçu comme un lieu de vie. Le concept du Live-Work-Play définit celui de Smart City, proposant aux usagers une qualité de vie maximale, du logement au bureau, en passant par le loisir, les commerces, la restauration, la santé, l’éducation…

Parmi ces programmes inscrits dans le développement durable et technologique, Work in Beau Plan – à quinze minutes de Grand Baie et de Port Louis – focalise sur le bien-être des employés. Tandis qu’ils jouissent du cadre stimulant de la Smart City et de toutes ses facilités, une autre composante des lieux est fondamentale : l’environnement et la nature omniprésente. L’offre de bureaux The Strand – 10 000 m2 d’espaces contemporains au bord du lac – sera prochainement livrée, tout comme le Business District, ce quartier d’affaires proposant aux investisseurs des locaux modulables et des terrains à bâtir, pour s’y installer.

 

Aux quatre coins de l’île et sous l’égide de promoteurs rivalisant d’innovations, les Smart Cities (Cap Tamarin, Mont Choisy, Tribeca, etc.) combinent parfaitement les obligations professionnelles avec la vie personnelle, dans une philosophie circulaire et écologique. Aujourd’hui, les termes « open space » et « coworking » symbolisent le dynamisme, font rimer business avec bien-être. L’architecture est bioclimatique. Les espaces professionnels lumineux, conviviaux, végétalisés. Les bureaux partagés, repensés, ergonomiques. Les arts et la culture partout présents.

Au sein de la Smart City de Moka, Vivéa Business Park déroule 35 000 m2 de locaux professionnels aménagés et aménageables, nichés dans un cadre naturel aux portes de la capitale. Workshop17 Les Fascines, par exemple, (qui sera aussi bientôt à Grand Baie), offre des espaces de travail accessibles 24/7, flexibles et entièrement équipés. Et parce qu’il est justement question ici de l’épanouissement du salarié sur son lieu de travail, aux loisirs et activités sportives, artistiques et culturelles de la ville s’ajoutent des initiatives prônant la convivialité et l’enrichissement social des habitants, commerçants et entrepreneurs de Moka.

Quant au Quartier des Serres jouxtant le Domaine de Labourdonnais, ou encore Nouvelle Usine à Mangalkhan, ils sont de parfaits témoignages de réhabilitation du riche patrimoine industriel et historique mauricien. Des milliers de mètres carrés sont aménagés dans le seul but de fournir aux entreprises et leurs équipes un environnement sain répondant aux nouvelles attentes des collaborateurs.

 

Outre la reconnaissance, base de l’épanouissement du salarié, un autre facteur stimule ses compétences et son potentiel : la volonté hiérarchique de le faire progresser. Quel autre meilleur catalyseur de développement que la formation ? « On se lasse de tout, sauf de connaître », disait Jean Rostand. Dans l’industrie hôtelière, par exemple, chaque groupe possède son académie, pour former les jeunes au métier. Mais chez beaucoup, le personnel aussi bénéficie d’une possibilité de perfectionnement. Le programme Comet, initié en 2022 par Constance Hotels & Resorts, est un apprentissage complet en gestion et management. Chaque employé Seychellois, Maldivien, Malgache ou Mauricien – détenteur d’un diplôme, mais visant « plus haut » – est formé en ligne et sur le terrain durant neuf mois, dans les principaux départements d’au moins deux hôtels du groupe ; un poste de direction est à la clé. Vincent de Marasse Enouf (DRH), explique que ce projet complète un plan de formation continue, en ligne et en présentiel, dispensé par des formateurs du groupe Constance Hotels & Resorts. En corrélation avec les enquêtes de satisfaction des clients, des sessions sont conçues sur mesure, adaptées aux besoins des salariés, dans le seul but de les tirer vers le haut. Chacun bénéficie d’un minimum de quarante heures de formation par mois, dix modules sont disponibles, dont la qualité, le leadership, les finances…

Au sein de l’adresse 20°Sud à Grand Baie, en sus d’une augmentation salariale de 20% programmée cette année, la valorisation du personnel passe par le concept d’interchangeabilité des employés du groupe dans le monde, pour une expérience constructive et bénéfique à toutes les parties prenantes. De son côté, Transinvest Construction Ltd dédie 3% du montant de sa masse salariale à la formation et a créé une école numérique interne au franc succès.

La majorité des dirigeants disposés à investir dans la formation font appel à divers professionnels certifiés, en débloquant leurs fonds HRDC. Nathalie Sanchez, fondatrice de Alinae Consulting, orientée vers les nouveaux modèles économiques (durable et circulaire), pratique le coaching et consulting depuis six ans sur le marché mauricien qu’elle connaît bien. Elle déplore une réalité post-Covid desservant le secteur : « Les entreprises sont dans l’urgence de leur business et n’utilisent pas ou peu leurs fonds HRDC (seulement 3%). Parmi les raisons : la lourdeur administrative du processus et le turnover dans les boîtes. »

Ne devrait-on pas justement y voir une relation de cause à effet ? La formation n’entraîne-t-elle pas la considération qui régule l’insatisfaction qui réduit le turnover ? CQFD !

De nos jours, de nombreux praticiens apportent aussi des solutions à bien des maux au travail : mal-être, stress, conflits, problèmes de confiance, de gestion du temps, culte de la performance, etc. Aussi, les ateliers OMR® de Sophia Sew (voir notre rubrique Santé), les thérapies du psychologue du travail César Tierz (LGM de janvier 2023), la psychomotricité (LGM d’août 2022) et bien d’autres pratiques de médecines alternatives sont au service du bien-être.

Se reconvertir, entreprendre…

En moins de deux ans, la Covid-19 a déchiré le tissu économique mondial et fait couler quantité d’affaires et de larmes. Par obligation, une partie de la population a dû se réinventer pour vivre – ou survivre – à défaut de poursuivre. Si les groupes financièrement solides sont parvenus tant bien que mal à maintenir emplois et salaires, bon nombre de travailleurs indépendants ont dû faire preuve de résilience. Cependant, le constat actuel est aussi celui d’une augmentation de reconversions bénéfiques, telle une résurrection ! Dans la restauration, nombreux sont ceux qui ont surfé (pour y rester) sur la vague du take away, répondant de surcroît aux besoins modernes de consommateurs pressés. Outre la distribution alimentaire, les secteurs à rentabilité optimale comptent l’univers « tech », le digital, les TIC (technologies de l’information et de la communication). Allant de pair avec le télétravail, les métiers inhérents à ces domaines ont séduit développeurs et designers, encore recherchés pour concevoir des logiciels d’enseignement à distance, par exemple. Ashvin Pudaruth de SD Worx Maurice – la première entreprise du secteur des TIC à avoir obtenu localement la certification Great Place To Work® – explique que le milieu, offrant pourtant sécurité et confort, peine à trouver des candidats : « Le secteur des TIC était plus préparé au Covid que les autres. Dans notre entreprise, depuis une dizaine d’années, tout le monde est équipé avec un laptop, une connectivité, pour travailler n’importe où en étant flexible. Cependant, nous connaissons un manque réel et cruel de ressources et de compétences dans ce domaine. » À bon entendeur !

« Les reconversions arrivent à tout moment dans la vie professionnelle, souvent pour la même raison : donner du sens, une raison de se lever tous les matins, créer de la valeur et être le garant de cette valeur », nous explique Nathalie Sanchez (Alinae Consulting), elle-même ancienne directrice des ventes reconvertie.

Révélatrice de vocation, booster de carrière, la reconversion implique souvent le développement d’un projet entrepreneurial, parce qu’elle est une incitation à oser ! Aux futurs créateurs de start-up, des incubateurs fournissent conseils et supports logistiques et financiers. Parmi d’autres, La Turbine, à Moka, fondée par le groupe ENL en 2015, est dotée de coachs, experts et investisseurs qui encouragent l’innovation et accompagnent le lancement d’un business connecté.

Une importante société locale de gestion des entreprises et d’aide administrative à leur installation dénombre en 2022 trois fois plus d’ouvertures que de fermetures, dans une proportion de 60% de projets étrangers et 40% de locaux. Retenons ce dernier chiffre plutôt prometteur, à l’effigie du dynamisme entrepreneurial mauricien !

Favoriser l’employabilité des jeunes

Parmi les initiatives gouvernementales, depuis le 1er juillet dernier et jusqu’au 30 juin 2023, la MRA (Mauritius Revenue Authority) encourage le recrutement en entreprises des jeunes et des femmes, via une prime à l’emploi. Aux employeurs, et sur une durée d’un an, sont versés jusqu’à Rs15 000 par mois, pour faciliter l’embauche – en contrat à plein-temps de 3 ans minimum – de 10 000 personnes, âgées de 18 à 35 ans (jusqu’à 50 ans pour les femmes), au chômage depuis plus de six mois. Notons pour information que le salaire mensuel minimum vient légalement de passer à Rs13 075.

Dans le secteur privé, de grandes marques et institutions expertes du digital, de l’audiovisuel et du divertissement se sont associées en 2022 au groupe Trace, pour lancer Trace Academia. La plateforme de formation gratuite dédiée aux métiers de demain ambitionne d’ici 2026 de guider 26 millions de Y et Z (générations nées après 1980) vers l’emploi et l’entrepreneuriat, et réduire ainsi le chômage de la jeunesse africaine !

Force est de constater que les préoccupations managériales de notre ère convergent vers un seul objectif, le bien-être des équipes, grandement plus productives en parvenant à s’épanouir dans leur job. Travailler autrement donne résolument du sens à ses fonctions, tout en augmentant la performance de l’entreprise !

Est-il encore utile de débattre sur le sujet ?

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