Les analystes patentés, les politologues plus ou moins qualifiés et tous les observateurs de la vie politique locale nous avaient prévenus: puisque nous sommes à six mois de la date prévisible des élections générales, nous allions avoir droit à un budget généreux, voire démagogique, multipliant les cadeaux à toutes les catégories d’électeurs…. Ce ne fut pas le cas.
C’est, en effet, la première surprise de ce budget 2019-2020: il peut difficilement être qualifié d’”électoraliste”, tans ses “largesses” sont étroites. Certes, le prix des carburants et du gaz ménager sont appelés à baisser… mais dans des proportions très limitées, qui reflètent à peine la baisse du prix du baril de pétrole brut sur le marché mondial. De même la revalorisation du montant de la pension de retraite, que l’on annonçait somptueuse (le montant total de Rs 9000 étant régulièrement évoqué), n’atteindra que Rs 500!
C’est d’ailleurs la spécificité de ce budget: rien ni personne n’est oublié, mais personne, non plus, ne peut se targuer de gagner le gros lot… Les planteurs de canne à sucre, les industriels, les étudiants, les jeunes loups de la cyber cité comme les ménages les plus fragiles: tout le monde reçoit sa petite gratification, mais tellement limitée qu’il serait bien illusoire de penser qu’elle puisse avoir la moindre influence sur les élections à venir. On pourrait donc en conclure que le parti au pouvoir est tellement sûr de sa victoire qu’il ne juge pas nécessaire de pratiquer l’habituelle surenchère électoraliste.
L’ancien Premier minister Navin Ramgoolam a d’ailleurs qualifié cet exercice de “budget confettis”!
Pourtant, et peu de commentateurs l’ont relevé, il semble bien qu’une catégorie de citoyens puisse être considérée comme la grande bénéficiaire de ce buget: la fonction publique. Les fonctionnaires vont ainsi profiter d’une prime forfaitaire de Rs 1000 qui anticipe la revalorisation de leurs traitements, prévue l’année prochaine. Ils vont également, et ce n’est pas rien, bénéficier d’une assurance médicale et les mamans employées par l’Etat pourront prendre jusqu’à six mois de congé maternité…
Elle se cache peut-être là, la demarche électoraliste: gâter les fonctionnaires, si nombreux sur notre île, pour recueillir leurs scrutins!
Comme Narendra Modi
Mais la mesure la plus abondamment commentée, dans cet exercice budgétaire, n’avait absolument pas été anticipée. Il s’agit du droit que s’arroge le gouvernement de puiser dans les réserves de la banque centrale pour contenir le déficit de la nation. Cet artifice, sur lequel les constitutionnalistes et les politiques vont longtemps pouvoir débattre, est si inattendu, si “novateur” dans notre pratique de la gestion nationale qu’il a surpris tout le monde. Au point que certains s’interrogent sur la paternité de cette astuce: Pravind Jugnauth serait-il un stratège insoupçonné, pour avoir conçu un tel mécanisme…? La réalité paraît être encore plus simple – et décevante. On a simplement copié l’Inde!! En effet, depuis deux ans, et malgré la démission du précédent gouverneur de sa banque centrale, le Premier ministre indien, Narendra Modi, s’autorise à prélever dans les coffres de la banque centrale de son Etat fédéral, les “dividendes” dont il a besoin pour limiter le déficit public.
On savait que, pendant très longtemps, les grandes lignes des budgets mauriciens étaient suggérées, sinon écrites, par de hauts fonctionnaires européens. On peut désormais penser que les inspirateurs ont changé de nationalité. Cela va rendre difficile la contestation de l’application de cette mesure à Maurice, puisque la plupart, pour ne pas dire la totalité de notre personnel politique, encense le PM indien.