Le 30 janvier 1933, Adolf Hitler accède au pouvoir. Avec lui, des idéaux mortifères et un emblème censé représenter la supériorité aryenne : la croix gammée. Deux traits enchevêtrés dont chacun reconnaît la signification. Quoique ? À bien y regarder, ce dessin ne date pas du XXème siècle, le nouveau chancelier allemand n’a rien inventé. Il a simplement spolié un symbole millénaire, le svastika.
Au sein des Mascareignes, il n’est pas rare d’apercevoir des dessins équivoques pour tout profane. Un malfaisant a-t-il tagué les murs de ces temples à la gloire nazie ? Heureusement, il n’en est rien. C’est d’ailleurs tout le contraire, ce signe appelé « svastika » ou « swastika » signifie littéralement « bien-être ». De l’Europe aux frontières de l’Asie orientale, en passant évidemment par l’Inde ou Bali, ce dessin est arboré avec fierté depuis des siècles : dans la plupart de ces pays, il signifie renouvellement, cycle de la vie. En Inde, cette représentation est omniprésente. Encore aujourd’hui, hindouisme, bouddhisme et jaïnisme utilisent le svastika. Dans le brahmanisme, il symbolise d’ailleurs Ganesh, le fils de Shiva. Mais alors, pourquoi ce pillage de la part de l’homme fort du IIIe Reich ?
Un symbole simple à reproduire
Tout débute lors de la création du parti national-socialiste (NSDAP) de 1920. À 31 ans, Adolf Hitler et son carré de moustache en ordre serré aspirent à la conquête du pouvoir. Et pour ce faire, les conditions strictes de l’armistice de 1918 et la crise sociale allemande constituent le terreau de son discours. Il engrange des voix grâce au désarroi ambiant d’après-guerre. Mais cela ne suffit pas. Il est nécessaire d’être reconnaissable entre tous à la faveur d’un symbole simple à reproduire et visible. Ce sera le svastika. Pour l’ancien peintre recalé des Beaux-Arts de Vienne, c’est le graphisme idéal qui matérialisera sa volonté. Celle de l’hégémonie d’une race supposée supérieure, les Aryens. Une antique tribu dont cet Autrichien remet au goût du jour les codes de purification, façon mèches blondes et iris bleus.
Hitler désire créer une légende aryenne, quitte à la fantasmer. Il ose donc profaner cet emblème de paix à dessein. Le svastika est incliné de 45 degrés et se mue en croix gammée. Cerclée de blanc dans un drapeau rouge, la croix noire jaillit ainsi que ses messages haineux. À présent sur les brassards des saluts vers le ciel, le régime nazi fait flotter son étendard et la crainte sur l’Europe. La croix gammée hante les esprits et reste, pour chacun, le présage du chaos.
Linz, ville-musée de l’art nazi
Pourtant ce piètre peintre conserve son instinct artistique et ambitionne que la ville de Linz incarne la quintessence de l’art nazi. Une ville-musée où, dare-dare, l’on pille toutes œuvres d’Europe permettant d’étancher la soif de leur chef et prolonger la mythification aryenne. Il y aura l’art homologué par le Reich et l’art dit « dégénéré », contraire à l’esthétisme d’Hitler.
La suite est connue : pogroms et invasions au profit d’une Allemagne couverte de croix gammée.
Cet homme réussit le tour de force à faire oublier une représentation millénaire en moins de trente ans. Toutefois, à la lumière des messages pacifiques et de sagesse de la signification originelle, la croix gammée se meurt, vive le svastika !
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À travers Le complot contre l’Amérique, Philip Roth vous mènera dans un futur où les nazis ont remporté la Seconde Guerre mondiale. Cette uchronie projette Charles Lindbergh à la présidence des États-Unis, lui le fameux aviateur américain à l’empathie débordante pour Hitler. Découvrez un des meilleurs romans de l’auteur disparu en 2018. À lire avec fureur.