Publié aux éditions de L’Harmattan, l’étude de Rajendra Paratian, intitulée “Maurice: intellectuels et champs intellectuels”, constitue la base d’un domaine de recherche encore balbutiant. Ouvrant la voie, ce chercheur mauricien établi en Suisse, aborde des questions essentielles sur la définition des “intellectuels” à Maurice, leurs places et leurs rôles dans notre société insulaire, leurs comportements face au pouvoir, au communalisme, à la religion, ou même face à la corruption…
Sociologue, Rajendra Paratian a conçu son étude comme le premier jalon posé sur un domaine de recherche encore vierge. Très honnêtement, il reconnaît donc que son ouvrage doit surtout inciter au débat et ouvrir de nouvelles pistes de recherches, menées, cette fois, sur le terrain. Etablir une typologie sociologique des intellectuels mauriciens, les interroger pour savoir comment ils se perçoivent et se définissent au sein de la société, confronter leurs interrogations à celles qui agitent l’ensemble du pays (…) pourraient être quelques-unes de ces pistes nouvelles.
Pour sa part, l’auteur de “Maurice: intellectuels et champs intellectuels” a établi les bases indispensables à ces futurs travaux. D’abord, en définissant l’”intellectuel mauricien”. Inclusive (peut-être trop), sa conception englobe toute personne délivrant “une production intellectuelle”. Ce qui le conduit à intégrer dans cette catégorie, au côté des créateurs, analystes, universitaires, idéologues et autres “penseurs”, des techniciens dont la portée de la réflexion reste pourtant limitée à leur domaine de compétence…
L’étude retrace, également, de manière relativement détaillée, le rôle joué, tout au long de l’histoire de notre île, par des intellectuels n’ayant pas hésité à s’engager (pour l’amélioration des conditions de travail des laboureurs et dans toutes les luttes sociales, pour ou contre l’indépendance, pour la rétrocession à la France…) puis, après l’accession à l’indépendance, qui se sont mobilisés pour le développement du pays…
Si ce panorama historique est particulièrement intéressant (et éclairant) c’est, toutefois, sur la période actuelle que le travail de R. Paratian est peut-être le plus précieux. Bien que, de l’aveu même de l’auteur, ces chapitres ne puissent être pris en compte que comme le point de départ d’études futures, ils ont, du moins, le mérite d’aborder, sans complaisance, quelques thèmes essentiels… Il s’en dégage un portrait peu flatteur de “l’intelligentsia” mauricienne: militante, quasi révolutionnaire dans les années 70, la voilà, aujourd’hui, proche de tous les pouvoirs, ne débattant plus de rien de fondamental, passant à côté de tous les enjeux majeurs pour l’avenir de la société, avide d’honneurs et de privilèges…
L’avouera-t-on? Ce constat, établi, avec rigueur, par un universitaire vivant en Europe recoupe, en grande part, l’image que l’on peut s’en faire sur place…
Né à Maurice, Rajendra Paratian est Docteur en Sociologie et Economie du Développement. De 1991 à 2013, il fut fonctionnaire de l’Organisation Internationale du Travail (O.I.T), spécialiste en “politique et stratégie de l’emploi pour l’Afrique”. Il est également l’auteur de nombreux ouvrages sur Maurice.