Quatre groupes majeurs du pays – Eclosia, IBL, Currimjee et Scott – se sont constitués en collectif le mois dernier pour reprendre le site tant convoité de Roches Noires et y créer un « parc naturel pérenne et ouvert à tous, en collaboration avec les communautés locales, les ONG et les associations de défense de l’environnement ».
Dominique Bellier
Depuis plus de dix ans, ce site contiguë à la réserve naturelle de Bras d’Eau a fait l’objet de plusieurs propositions immobilières, dont la dernière en date est une Smart City promue par la société française PR Capital. Les ONG, comme les universitaires, ont lutté sans relâche pour protéger ce lieu unique, et le projet du Collectif mauricien pour Roches Noires semble rejoindre leurs préoccupations.
Ses partenaires se sont associés pour mobiliser les fonds nécessaires pour, en priorité, sécuriser ce site de 358 hectares, en préserver et en valoriser les richesses naturelles. Le collectif nous précise en substance : « La condition sine qua non est que l’engagement des partenaires soit durable dans le temps et que les objectifs du parc naturel soient maintenus pour les générations futures et pour le seul bénéfice des Mauriciens, des résidents et des visiteurs de notre île. »
Le collectif conçoit ce projet comme un laboratoire où s’élabore une nouvelle voie de progrès basée sur la préservation et la régénération du vivant, sur un véritable écotourisme et des activités d’économie verte et bleue. Les grands groupes travailleraient main dans la main avec les ONG, les scientifiques et les habitants de Roches Noires, ce qui demandera l’implication de tous. Dans ce dispositif de prospérité partagée, le village sera la porte d’entrée du parc naturel et les villageois occuperont une place privilégiée.
Roches Noires, un site exceptionnel
Le site de Roches Noires abrite des richesses naturelles exceptionnelles non seulement à l’échelle de Maurice, mais aussi à celle des Mascareignes. Point chaud de biodiversité, il accueille une zone écologiquement sensible de première catégorie, ainsi que des marécages, un barachois et l’une des plus grandes forêts de mangroves des Mascareignes. Il offre également les atouts de ce qui pourrait devenir une réserve ornithologique, propice à l’observation des oiseaux. Sa forêt de mangrove rend de multiples services écosystémiques : séquestration de nos émissions de carbone, refuge et zone de reproduction de nombreuses espèces terrestres et aquatiques, filtre naturel des eaux pluviales, rempart face aux risques cycloniques et inondations.
Ce site de 358 hectares abrite également la dernière forêt sèche côtière des Mascareignes qui comprend près de 25 espèces de plantes endémiques, dont plusieurs ébéniers, et plus de 45 espèces indigènes. La proximité de la zone humide en favorise d’ailleurs la biodiversité et la densité exceptionnelle. Cette forêt accueille, entre autres, des lézards endémiques, des salanganes ou hirondelles de Maurice, des gasses et pic-pic endémiques.
Si de multiples espèces vivent sous le miroir de ses eaux, sa surface terrestre réserve aussi quelques surprises. Le sous-sol de ce site se distingue par une succession de caves et conduits de lave d’une grande valeur non seulement géologique, mais également archéologique (avec des traces humaines anciennes). Ces caves abritent des écosystèmes favorables à la reproduction des chauves-souris insectivores et des salanganes. Malheureusement, certaines d’entre elles ont été transformées en dépotoir par l’espèce la plus nuisible de cette planète, mal nommée dans ce cas Homo sapiens…