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Île Maurice
jeudi, novembre 21, 2024

Vivre sa retraite à Maurice…

En 2022, sur 830 000 passagers de plus de vingt ans, un tiers était âgé de plus de cinquante ans, et parmi eux, près de la moitié excédait soixante ! Mais si les seniors sont incontestablement attirés par une destination où il fait bon séjourner, ils le sont aussi par les atouts d’un pays où il fait bon vivre ! En témoigne l’augmentation du nombre de retraités étrangers installés à Maurice qui a fait un bond de plus de 150 % entre 2007 et 2022.
Delphine Raimond

En préambule du sujet tourné vers l’expatriation, notons que la situation locale suit la courbe croissante du vieillissement de la population mondiale. Selon les Nations unies, 30 % des Mauriciens auront plus de 65 ans en 2050. Un chiffre qui oblige les citoyens retraités à s’interroger sur le maintien de leur pouvoir d’achat. Pleinement conscients de la nécessité de compléter leurs pensions – de base, fournie par l’État, et professionnelle, versée par l’employeur –, ils se tournent vers des solutions leur assurant une source de revenus stable, les plans de retraite proposés par les sociétés locales, dont les cotisations sont fiscalement déductibles, jusqu’à 50 000 roupies par an.

LA SILVER ÉCONOMIE

Entièrement dédiée à l’avancée en âge de notre société, cette économie transversale se consacre principalement au bien-vieillir. Grande contributrice au développement des marchés, activités et enjeux industriels mondiaux, elle accroît la consommation locale, dynamise le secteur immobilier, crée des emplois, attire les talents étrangers… À l’avenant et depuis plusieurs années, elle est au centre des attentions du système économique de l’île qui aura saisi l’occasion de se positionner comme un lieu de résidence privilégié pour le troisième âge. Nombre de campagnes marketing et publicitaires ont en effet été menées sur divers canaux, tels qu’Euronews et TF1, via des vidéos à bord des avions d’Emirates et Air Mauritius, ou encore au travers de conférences et roadshows spécialisés, en France, Allemagne, Suisse, Autriche, au Royaume-Uni, à Monaco et en Afrique du Sud.

En charge du développement et de la promotion économique du pays et bien conscient de l’impact positif de la silver économie sur absolument tous les secteurs, l’EDB (Economic Development Board) compte bien multiplier ses campagnes de promotion et attirer, de surcroît, des opérateurs étrangers au sein des établissements de santé et autres structures adaptées.

LES MESURES D’INCITATION

Maurice surfe sur la silver vague, pour à la fois diversifier l’industrie du tourisme et encourager l’installation et l’investissement de la silver cible. Saviez-vous que les dépenses moyennes d’un résident retraité étranger équivalent à celles de plus de 15 touristes « standards » ? L’on comprend alors l’empressement gouvernemental pour cette politique d’ouverture et les ajustements des mesures budgétaires annuelles inhérentes.

Le visa Premium en est certainement aujourd’hui l’initiative phare. Délivré gratuitement à un non-citoyen (et deux accompagnateurs) pour une durée allant de six mois à un an, il est renouvelable et s’adresse à tous. La demande se fait en ligne sur le site de l’EDB. Idéal dans le cadre du télétravail ou en alternative « test » tout en douceur, ses conditions d’obtention sont simples : prouver la présence de fonds suffisants pour s’assumer financièrement, souscrire une assurance santé couvrant la période initiale de séjour, ne pas intégrer le marché du travail mauricien et percevoir des revenus (émanant d’un employeur ou d’une activité professionnelle indépendante) de source étrangère. En outre, il autorise son titulaire (notamment retraité) à faire une demande d’Occupation Permit auprès de l’EDB ou à investir dans un achat immobilier.

L’accès à la propriété est en effet fortement encouragé, au regard du constat que les étrangers, en particulier les seniors, sont de plus en plus nombreux à s’y intéresser à Maurice. L’acquisition d’un bien peut se faire sous l’un des programmes locaux – Integrated Resort Scheme (IRS), Real Estate Scheme (RES), Property Development Scheme (PDS), Smart City Scheme (SCS) – ou encore dans un immeuble d’au moins deux étages et induit un permis de résidence pour le non-citoyen retraité et sa famille. Les conditions requises, qui sont un prix d’acquisition supérieur à 200 000 dollars et un âge supérieur à 50 ans, ne semblent pas être un frein ! 

L’assouplissement des procédures d’obtention d’un permis de résidence et/ou de travail s’inscrit également dans les nouvelles conditions budgétaires. Par exemple, les retraités étrangers ne seront plus tenus d’ouvrir un compte bancaire local dans la phase initiale, simplifiant grandement le parcours logistique ! Dans le registre de la santé, au-delà de 60 ans, les résidents auront accès à une assurance médicale. De surcroît, soucieux d’établir un cadre légal adapté aux profils des jeunes retraités encore en activité dans leur pays, le gouvernement les autorise à occuper un emploi dans des secteurs spécifiques, partageant ainsi leurs compétences et leur savoir-faire avec les Mauriciens.

Maurice ne serait toutefois plus Maurice s’il n’existait pas tout un cheminement administratif, médical et bancaire, capable de galvaniser les plus apathiques ! Le dossier constitué est soumis à réception, vérification, instruction, acceptation… de principe d’abord, officielle ensuite… Ou comment faire simple quand on peut faire compliqué ! Ceci étant dit, rien de véritablement sorcier, il suffit juste de se mettre au diapason du fonctionnement local durant quelques mois, afin d’obtenir le sésame… valable dix ans !

UNE OFFRE DIVERSIFIÉE

De nombreux projets résidentiels – achevés ou en cours – s’offrent à notre silver cible. Le Domaine de Grand Baie, que l’on ne présente plus, propose des équipements adaptés aux seniors et des services illustrant l’approche bienveillante du groupe Domitys. Contrairement aux autres établissements de ce dernier, les résidents sont à Maurice majoritairement des vacanciers… et loin d’être tous des seniors ! Preuve que chacun peut apprécier le concept : facilités, sécurité, sérénité. « Vous êtes chez vous et non de passage chez nous ! », suffit à traduire les notions de confort des appartements, de bien-être et de convivialité du spa, de la piscine, des deux restaurants, etc. La présence et la disponibilité du personnel 24/7, ainsi qu’une multitude de prestations et activités (gratuites pour certaines) font une incontestable différence pour la clientèle senior.

S’étalant sur 22 hectares le long de la côte nord, Cap Marina (Evaco) est le plus grand projet immobilier construit sur une période de moins de 6 ans. Un impressionnant pôle commercial, gastronomique et culturel (pas moins de deux musées) s’ajoute à l’offre résidentielle. Thierry Coret, Head of Marketing chez Evaco, fait état d’une communauté cosmopolite, majoritairement française et sud-africaine, mais aussi mauricienne, à hauteur de 20%. La moitié des propriétaires a entre 40 et 55 ans, est toujours active et compte essentiellement des familles. L’autre moitié est constituée de retraités, de 55 à 70 ans, recherchant la proximité des activités et facilités du quotidien, dans un environnement paisible et sécurisé. Les villas Harmony répondent aux besoins spécifiques et évolutifs des seniors, au sein d’un village dédié. De 110 à 150 m2, elles possèdent deux ou trois chambres, un jardin privatif et sont surtout fonctionnelles, y compris en cas de handicap. Plains-pieds, entrées sans escaliers, portes larges adaptées aux fauteuils roulants, espaces de circulation pour une mobilité aisée, salles de bains équipées de barres d’appui, grandes douches sécurisées, sols antidérapants… L’aménagement est ergonomique, conforme et approprié. Thierry nous confirme qu’un dispositif d’appel d’urgence relié à l’espace médical interne sera prochainement opérationnel, et que pour l’heure, un bouton d’assistance permet à une société de sécurité privée d’alerter les cliniques les plus proches.

À Moka, dans un parc luxuriant et face aux montagnes, Les Jardins de Chantenay veillent depuis 2012 sur ses pensionnaires et emploient 120 personnes. Développée par Senior Homes, la résidence pour personnes assistées se compose de 70 appartements (du studio au deux chambres) et d’un centre de soins infirmiers et son équipe disponible 24/7. Aux résidents, dont la moyenne d’âge est de 80 ans, est aussi proposé un service d’aide à domicile, avec la préparation des repas, le ménage, la blanchisserie… L’établissement de convalescence, de soins de répit ou palliatifs, s’est doté d’un centre de jour proposant des activités et ateliers stimulants – jeux de mémoire, jardinage, art-thérapie, animations musicales, etc. – encadrés par une équipe pluridisciplinaire. Si la majorité des pensionnaires sont mauriciens ou binationaux, la résidence accueille aussi des étrangers, essentiellement Français et Sud-Africains, qui peuvent acheter des baux à vie, avec l’accord de l’EDB. « Nous souhaitons nous développer dans la région centre de l’île, pour répondre à la demande. Nous déployons un effort considérable pour offrir une infrastructure et des soins de qualité… la demande est toujours importante lorsque le service est qualitatif », nous confie Sarah Heller, la directrice de Senior Homes.

LE BONHEUR EST À MAURICE

Contrairement aux idées reçues, le choix d’une paisible retraite au soleil répond à tous les profils socioprofessionnels. Au-delà d’une catégorie financièrement aisée, accédant aux biens immobiliers les plus chers et entretenant une déroutante hausse des prix du marché, le territoire compte aussi une population d’expatriés seniors qui recherchent autre chose. Le bonheur brut inscrit dans un mode de vie « local » compatible avec un pouvoir d’achat limité. 

Le plus Mauricien des retraités français ! 

Depuis son coup de cœur pour Maurice en 1976, Erwan n’a de cesse de venir un jour s’y installer. Sa vie se brode alors d’heureux hasards, rencontres, opportunités, jobs de par le monde… lui permettant de financer pas moins de 32 voyages sur l’île… avant de s’y poser définitivement, il y a presque vingt ans ! À l’époque, il trouve sa place dans l’hôtellerie, la restauration, le service, mesurant quotidiennement sa chance de travailler et vivre au paradis, sur la côte est, les pieds dans l’eau, la tête dans les étoiles ! Il se mêle rapidement aux Mauriciens, tisse des liens forts qui s’ajoutent à son solide réseau amical franco-suisse, s’ancre dans une existence heureuse qui le comble chaque jour davantage. Quand l’heure de la retraite sonne, fin 2016, sa décision de ne plus quitter son pays de cœur est donc évidente.

Loquace, curieux, joyeux… candide aussi, Erwan est un personnage haut en couleurs ! Lorsque je le rencontre à La Croisette pour recueillir son témoignage, il m’avoue ne pas être venu dans le nord – la civilisation – depuis quatre ans ! Si sa pension est petite, son bonheur est grand. À 69 ans, Erwan donne de son temps, s’investit depuis toujours dans le bénévolat local et l’aide à l’alphabétisation. C’est aussi chez lui qu’il se sent bien, dans son jardin, au bord de sa petite rivière, face aux champs de canne et aux montagnes. Il aime y recevoir ses amis et cuisiner. Marcher avec son chien… dans son quartier, son village.

Malgré son pouvoir d’achat limité, sa philosophie de partage entrelacée aux plaisirs simples suffit à le rendre heureux. « Le bonheur, c’est se sentir bien, soi-même… mais surtout avec les autres ! Je n’aime pas LES histoires des gens, mais L’histoire des gens ! Leur vie, leur parcours… Je ne suis pas ici pour jouer à la pétanque entre expats à Pereybère. Aucun intérêt, autant aller vivre dans le sud de la France ! » Alors, quand je lui demande ce qui selon lui doit motiver une installation à Maurice, il me répond spontanément : « Le coup de cœur ! Il faut aimer ce pays. Je ne parle pas des plages, cocotiers et lagon, mais des gens ! Il faut s’engager, s’ouvrir et les comprendre. Des pays de soleil, il y en a partout dans le monde, alors un changement aussi radical et aussi loin de ses proches doit être motivé par des choses plus profondes ! Bien sûr, on s’agace… avec la conduite, la lenteur… mais il faut faire abstraction ! Le Mauricien aime l’étranger et aime rendre service ! » Pour résumer, Erwan veut distinguer les notions de « s’installer à Maurice » et « d’habiter à Maurice », car la différence est énorme. Et si ce littéraire me confie néanmoins le petit bémol de « ne pas s’y retrouver entièrement dans l’aspect intellectuel », il enchaîne avec poésie sur le multiculturalisme, la solidarité des locaux, la beauté des paysages… et des saris qui claquent au vent, et ne changerait sa vie pour rien au monde !

Retour au pays !

Installés à Maurice depuis 2017, Florence et Jean-Yves sont d’heureux retraités ! Et pour cause, Florence est Mauricienne, et c’est pour suivre son mari Français qu’elle a quitté son île à l’âge de 24 ans, pour y revenir plus de trois décennies plus tard, à 58 ans. Un retour au pays évident pour elle – qui a pourtant adoré sa vie et son travail dans l’hexagone – et mûrement réfléchi pour Jean-Yves, qui ne rentrerait en France pour rien au monde ! Si la gastronomie française et l’incroyable offre culturelle (théâtre, spectacles, musées, concerts), ajoutées aux avantages d’un excellent CE, sont ce qui manque le plus à Florence, elle prête à son île une qualité de vie unique : vivre au grand air toute l’année, jouir de la gentillesse, la solidarité et la spontanéité de la population, ainsi que d’un profond sentiment de sécurité. Nos jeunes retraités vivent confortablement, grâce à leurs pensions en euros, mais reconnaissent le décalage financier entre les expatriés et les locaux, pas toujours très bien perçu, d’ailleurs. Aujourd’hui, la situation du couple représente le schéma idéal, puisque leurs deux enfants les ont rejoints, en famille, pour leur plus grand bonheur ! « Certes, avoir ses enfants et petits-enfants sur place est un énorme plus, mais avec ou sans eux, c’est ici qu’on avait prévu notre retraite. À chaque retour en France, Jean-Yves ne pense qu’à une chose : boure avan fer tro fre ! Il est toujours content de retrouver sa petite île ! »

Le regard de Florence sur son pays est toutefois lucide : « Après une si longue absence il faut quand même se réhabituer à certaines choses et ne pas trop critiquer, pour ne pas vexer les Mauriciens. C’est nous qui revenons vivre chez eux ! Bien des choses nous interpellent au quotidien : la propreté, la pollution, l’incivilité sur la route, sur les plages, la musique très forte, la lourdeur administrative… On défonce nos montagnes, défigure notre paysage, bétonne à tout va… et à côté de cela aucune règle de discipline (comme à Rodrigues) pour la protection de nos fonds marins ! Pas de véritable déchèterie, aucune solution pour tous ces chiens errants en piteux état… Mais nous apprenons à vivre avec, parce qu’à côté de cela, il y a tellement de points positifs sur mo ti zil ! »

Si une planification minutieuse est essentielle, elle ne livre cependant pas au préalable toutes les clés du bonheur au soleil. Le choc des cultures, normes et modes de vie ; la capacité à nouer des liens et développer un réseau social et amical ; l’éloignement géographique de sa patrie et donc de ses enfants et petits-enfants… peuvent s’avérer difficiles, d’autant que l’adaptabilité au changement reste propre à chacun et impossible à évaluer hors situation. Force est de constater néanmoins que Maurice continue de séduire, puisqu’elle affiche un beau potentiel de croissance, avec une augmentation de 53 % du nombre de permis actifs de résidence pour la cible senior au premier semestre 2023, comparé à 2022 !

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